A c t u a L i t é S

 

 

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ActuaLitéS [Juin/Juillet 2010]
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3 lointains avec oiseaux Marc Le gros et Maya Mémin avaient déjà publié ensemble « Cormoran » (Apogée, 2006). Ils récidivent, toujours autour des oiseaux (cette fois, le moineau, le cygne et le rouge-gorge) et des lointains que ceux-ci abordent avec une légèreté doublée de grande ténacité. Poèmes et gravures évoquent ces trajectoires rapides que l’œil saisit en une seconde.

« Ce n’est pas tellement le paysage
qui revient
mais l’air d’avant aux musiques légères
aux mots très doux
qu’on disait
pour dire quelque chose peut-être
qu’auraient entendu les oiseaux. »

La mémoire ici mise en lumière est celle qui ouvre sur des scènes ancrées dans la réalité d’un temps présent où les oiseaux ne sont pas, et loin s’en faut, les seuls rêveurs en partance.

Marc Le Gros & Maya Mémin : « 3 lointains avec oiseaux », éditions Apogée (11 rue du Noyer 35000 Rennes).
Vient de paraître, dans la même collection : Jacques Josse & Georges Le Bayon : « Journal d’absence ».

 

On ne discute pas l’infini. On ne le fixe pas non plus. Ou alors les yeux mi clos. Pour tenter d’en déceler quelques contours dans un quotidien où mal être et désirs de légèreté se donnent des coups de coude rapides, ce qui, chez Emmanuelle Le Cam, déclanche instantanément la venue d’un poème bref, éclatant, dressé debout sur la page.

« je suis
les méandres du vent
il ne faut pas
me faire confiance
mon ventre se noie
dans la brume
de la nuit portuaire »

L’équilibre qu’elle cherche (et trouve) dans ces textes est celui qui permet d’inventer – avec mots et verbes ajustés au plus près du sens – une façon personnelle de bouger dans son corps, ses rêves, sa réalité intérieure et ses envies d’effleurer des paysages familiers (Lorient, sa rade, ses quais, ses départs pour l’Inde) et ce qu’ils portent de mémoire, de présent, de devenir.

Emmanuelle Le Cam : « On ne discute pas l’infini», préface de Alexis Gloaguen, éditions Gros textes (Fontfourane 05380 Châteauroux les Alpes).

 

Que la ténèbre soit ! Les personnages qui circulent dans les treize nouvelles composant l’épatant petit livre d’Alain Roussel sont des êtres épris de solitude. Ils ont, de plus, à force de vivre en retrait (de nuit, anonymes, en ville, en montagne ou en forêt), réussit à acquérir dons et psychisme intérieur capables de faire entrer l’improbable, l’imprévu, le basculement, le dérèglement, le crime et la folie passagère là où règnent d’ordinaire routine et calme plat.
Il suffit d’un rien, ou plutôt d’une secrète alchimie née entre tel ou tel objet et l’imaginaire en irruption d’un Casimir Laroche ou d’un Pierre lune ou d’un Barillet ou d’un Morphéas ou d’un Pénardin ou d’un Lafouine (tous convoqués par l’auteur en ses périples menés aux confins de la logique) pour que la mort violente frappe vite avant de s’en aller cingler sous d’autres latitudes.
Il n’en faut souvent pas plus pour qu’un galet devienne assassin, pour qu’une ombre quitte subitement son locataire habituel afin de commettre un meurtre à proximité ou pour qu’un collectionneur de casquettes subtilise celle d’un matelot qui « venait de massacrer deux paisibles promeneurs » pour se métamorphoser en tueur lui aussi.

« Ici les personnages sont des somnambules sous l’emprise d’un rêve implacable, à la fois tragique et dérisoire, dont ils ne peuvent espérer maîtriser les règles. Seul doit régner le destin ! »

Alain Roussel : « Que la ténèbre soit ! », éditions La Clef d’argent (9 rue du stade 39110 Aiglepierre).

 

Boucans de Henri Droguet, le 81ième et dernier titre de la collection Wigwam est sorti courant juin. Il sera présenté, ainsi que tous les autres recueils disponibles, sur le stand des éditions Wigwam lors du douzième marché de la poésie de Rochefort sur Loire, les 3 et 4 juillet 2010.

 

 

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ActuaLitéS [Avril/Mai 2010]
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Effets d’annonces La prose précise et fouillée de Robert Nédélec a souvent besoin de plusieurs pages pour s’exprimer. Très travaillée, elle avance avec lenteur. Ciels, émotions, copeaux d’enfance, rebuts de mémoire, personnages épars se déplacent en elle. Le rythme est donné par celui qui n’hésite pas à suspendre trame, mouvements et gestes quand il lui paraît important d’aller à la ligne en cours de phrase et de restituer une réalité de poème à ce qui semblait pourtant, au tout début, devoir répondre aux impératifs de la nouvelle.
Cette maîtrise du contre-pied, cette façon de suspendre la respiration de son texte au moment même où il a réussi à insuffler à son lecteur cadence, équilibre et souffle, est très significative de l’écriture de Robert Nédélec. Celui qui lit ne peut pas uniquement se laisser porter. Il doit, lui aussi, (et c’est mieux ainsi) connaître les chaos, les arrêts brusques, les remises en cause, les retours en arrière et les silences dérangeants qui peuplent le livre.

« Au fil des ans, tout cela que l’on a brisé s’est entassé dans le fond du jardin, et ce sont tessons, éclats de voix et socles de soldats de plomb, aveux de paille délibérés et de mauvaises fontes, et ce sont fragments d’ardoises aussi, constellés de mots. »

Robert Nédélec : « Effets d’annonces, suivi de Carré Chinois », éditions N & B (11 rue de Venasque 31170 Tournefeuille).

 

Tissus mis par terre et dans le vent Ce livre est né d’une rencontre entre le photographe Bernard Abadie et le poète James Sacré. Tous deux s’étaient déjà réunis pour signer le très beau « Bocaux, bonbonnes, carafes et bouteilles (comme) » publié également au Castor Astral. Cette fois, c’est le motif du linge qui scelle la rencontre. Un motif qui permet à Sacré d’évoquer tout à la fois les paysages connus (ceux de l’enfance et de la ferme, à Cougou, en Vendée) et les nombreux voyages (Maroc, Etats-Unis, Italie). Là où il se déplace, la mémoire aiguisée par les photos offertes, le vent se mêle souvent de tendre, de déplier, de froisser linge et poème. Parfois au cœur des villes, c’est la toile d’un chapiteau de cirque qui impose ses couleurs et ses claquements. Ailleurs, ce seront des chiffons usagés, et néanmoins utiles (pour nettoyer un fusil ou rembourrer des chaussures) qui attireront son regard (et son poème).

« La présence de tissus dans le paysage
Prévient que des gens sont là, pas loin.
Ou que d’autres sont passés. »

Indices de vie, d’air, de rêves, de corps suggérés dans la forme que prend un linge vide. Avec en prime le plaisir de glisser souvent des pans de nuit dans des odeurs de propre. D’y installer le vent, le soleil, le pré ou seulement quelques broussailles ou branchages bas. Ces chemins, qui vont du simple détail (un mouchoir, une djellaba, un tissu noir placé devant le boîtier du photographe) à sa nécessité ordinaire, James Sacré les affectionne et les emprunte en tissant, pas à pas, ses mots, ses poèmes en regard des clichés éparpillées. D’abord sur une table. Et plus tard dans le livre.

« Les mots s’échinent à rattraper
Dans le vif du souvenir, ou la clairvoyance de savoirs,
Ce qu’à la fois les photos taisent et disent. »

James Sacré : « Tissus mis par terre et dans le vent», Photographies de Bernard Abadie, éditions Le Castor Astral

 

L’Horizon partagé Durant près de deux ans – de juillet 2007 à mars 2009 –, Lionel Bourg a adressé un certain nombre de lettres à ses proches. Onze d’entre elles sont ici rassemblées. Elles invitent à se remémorer un peu du passé (plus ou moins immédiat : de l’enfance à l’âge adulte) et à se repérer dans un présent qui, s’il ne répond pas, et loin s’en faut, à ce que la plupart espéraient, oblige néanmoins à regarder droit devant soi pour détecter un horizon capable de receler de vraies zones de partage. Le périple ainsi proposé court sur un bon demi siècle. Il a ses points d’ancrage dans le Forez, là où se trouve l’origine de la famille, là où vit, là où résiste encore Claudius Gay, l’oncle, le dernier, l’unique témoin d’une époque certes révolue mais bien gravée dans la mémoire collective.

Lui, comme les autres, parlent par bribes, chante, chantonne, transmet des bouts de son maigre paquetage de vie rude aux plus jeunes, dont Lionel Bourg qui en capte quelques éclats en espérant ainsi ajouter de nouvelles pièces à cette grande et tortueuse autobiographie (la sienne) toujours en chantier, toujours en quête d’indices susceptibles de répondre aux questions restées sans réponse.

C’est pour cela qu’il écrit à Claudius et aux autres. Pour revisiter des pans d’existence fracassée entre un petit frère mort et une mère ivre de douleur.

Les remèdes pour s’en sortir, il les trouve en se plongeant dans l’itinéraire et l’œuvre fragmentée d’êtres se donnant sans compter à ce qui les fait vibrer.

Les lettres vagabondes de l’auteur de « L’Engendrement » ne visitent pas seulement la mémoire lointaine. Le passé immédiat s’y inscrit en filigrane dès qu’il s’adresse à sa fille ou à ses petits-enfants. Il le fait pour toucher aux origines et pour donner, mine de rien, en plus de sa mythologie personnelle, beaucoup de tendresse, de hargne, de rage à partager à ceux qui, un jour, poursuivront la route sans lui.

Lionel Bourg : « L’Horizon partagé », éditions Quidam.

 

Ce Visage de Jacques Brémond, 79ième titre de la collection Wigwam et Et même dans la disparition de Mathieu Brosseau sont sortis courant mars. Pour plus d’infos, consulter la rubrique « Parutions 2010 ».

 

 

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ActuaLitéS [Janvier/Février 2010]
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Tourner la page
Jean-Claude Martin sait, en quelques mots, quelques phrases, ponctuer le quotidien en saisissant ici un portrait, là une scène furtive, ailleurs un épisode soudainement revenu visiter sa mémoire. Ses poèmes en prose le portent du côté de la vie ordinaire, sur ce versant apparemment paisible mais où, au final, rien ne coule de source. L’obscurité, la douleur, l’à quoi bon, la fragilité de l’instant et celle du corps réussissent souvent à s’interposer et à se poser en embuscade à un bien-être dès lors en sursis.

« Novembre. Je range ma tête dans le placard, l’entoure de laine de verre et prie pour que le désespoir ne descende pas trop bas. Je vidange les derniers rêves, tire une croix sur leur bocal : ne laisser aucun projet dans les canalisations. Je referme volets et portes, m’allonge dans le grand salon. Parfois, il fait si froid que même les cauchemars se mettent à geler. »

Jean-Claude Martin : « Tourner la page », éditions L’Escampette (diffusion Les Belles Lettres).

 

Le nom de l’horizon / La main de l’horizon Yves Bergeret scrute, nomme, approche cet horizon dont il est ici question et Robert Groborne en saisit quelques aspérités, les dessine, leur offre sa main. Ce livre à deux se construit sous nos yeux. Yves Bergeret redonne, avec lenteur et précision, vie à ses séjours africains, marchant entre plaines et montagnes, se pliant à la volonté du vent ou de l’orage. Les séquences reviennent tandis qu’il se trouve à Marseille, en répétitions musicales. Mémoire et instants présents se nouent et tracent ensemble un même chemin. Suivent les mêmes pistes, les mêmes sinuosités, les mêmes envies de vivre pleinement ce qui est donné.

« Nous avons quitté dès l’aube la montagne tabulaire orange, descendant d’abord par un sentier de contour entre les barres rocheuses ; piémont des grandes falaises, sentiers en balcon, descendant parfois en escalade penché sur le vide. Début de matinée sans encore trop de soleil après une nouvelle nuit à la belle étoile sur le toit de la maison d’Alaye. »

La présence secrète des montagnes maliennes, familières à l’auteur qui s’y rend plusieurs fois par an, est ici restituée avec force par Robert Groborne.

Yves Bergeret & Robert Groborne : « Le nom de l’horizon / La main de l’horizon », éditions AEncrages & Co. (www.aecranges.com)

 

Le désir échappe à mon poème D’entrée, James Sacré pose (sans tendre le fil de l’interrogation) une question simple mais aux multiples réponses (et non réponses) possibles : « écrire a l’air, assez, une affaire de désir. » Cela glissé, quasi en aparté entre lui et lui, le livre peut démarrer, et suivre des chemins de traverse où la question initiale, sans être perdue de vue, devient peu à peu secondaire. C’est que Sacré, fidèle à ses flâneries au fil des mots, sait qu’il faut sinuer dans les méandres de la pensée et du poème avant de pouvoir apporter un début de réponse à quelque question que ce soit. Celle-ci ne fait pas exception. Il réfléchit en invitant le lecteur et en lui demandant attention et petite lumière.

« Ce geste qu’on a pour écrire, le désir de toucher à quelque chose de bouleversant et de nu dans le monde : la langue des autres qui est aussi la mienne. »

Au milieu du recueil, James Sacré passe au mot « chair ». Qui suscite envie à divers degré. Ouvre sur un bel appétit. Avec du temps pour goûter. « La chair d’un fruit. Celle d’un autre. La vie : de sa fraîcheur à son pourri. »

Le dernier texte de cet ensemble est un hommage à Mohamed Kacimi, ami disparu dont on retrouve les dessins tout au long de l’ouvrage.

James Sacré : « Le désir échappe à mon poème », dessins de Mohamed Kacimi, éditions Al Manar. (www.editmanar.com)

 

L’espèce C’est à un beau corps à corps, une impulsion physique qui incite à trouver d'autres vecteurs que les mots pour dénouer, dire, lire ce qui nous rattache inévitablement à l'espèce (et à ce qu’il y a d'animalité là dedans) que nous convie Mathieu Brosseau. Son livre est traversé de signes qui jouent comme autant de pointillés sensibles, aptes à toucher les tensions, les pulsions, les réflexes qui souvent décident de la bonne marche (ou pas) de la grande mécanique nerveuse qui nous gouverne.

« Parce que, dans l’espèce, le corps
Te persécute, il me faut lui signifier
Qu’il est une mer des tremblements. »

L’écriture est fluide et régulière. Le sang affleure sous la peau en maintenant un tempo normal. Les expériences en labo se poursuivent. L’espèce a de beaux et mauvais jours devant elle. En attendant, l’absence s’autorise déjà de courtes et imprévues visites à domicile. Il s’agit d’être présent quand elle s’invite. Et de lui donner le change avec son corps, son souffle, ses mots. C’est ce que fait Mathieu Brosseau.

Mathieu Brosseau : « L’espèce », éditions Mots Tessons. http://motstessonsed.canalblog.com/

 

Le POD Pendant de nombreuses années, Roger Lahu a conçu, imprimé et diffusé « Noniouze », revue fragile et efficace, réalisée avec les moyens du bord (autrement dit envie, énergie et temps donné aux autres sans esprit comptable). On y lisait, poèmes, humeurs, réflexions, critiques, coups de gueule ou de cœur. Portes et fenêtres y étaient grandes ouvertes. L’esprit clan, école, chapelle ou scout n’y montrait pas le moindre bout du moindre nez. Bref, ce magazine-là ne ressemblait à aucun autre et procurait une dose non négligeable d’adrénaline à tous ceux qui s’y croisaient. Un jour, pourtant,  « Noniouze » a fini par ressembler aux autres. Comme eux, il a disparu. Fil rompu. Vie finie ? Pas vraiment puisque Roger Lahu, après une petite pause et un déménagement, a peu à peu remis « Noniouze » en activité via un blog éponyme. Aujourd’hui, il va plus loin : il sort coup sur coup les trois premiers numéros du POD, revue en ligne qui n’est pas sans rappeler le défunt magazine papier.

Le POD, c’est ici : http://noniouze.blogspot.com/

 

Les Polyphonies de Mars. La troisième édition du festival de rencontres poétiques organisé par la Maison de la poésie de Rennes aura lieu du 9 au 20 mars 2010. Lectures, débats, rencontres, expositions et dédicaces sont au programme. L’invité d’honneur est cette année Jacques Jouet. Il interviendra dès le premier jour en lecture croisée avec Jacques Roubaud.
De nombreux poètes suivront tout au long de la quinzaine, notamment Florence Pazzottu, Laurine Rousselet, James Sacré, Antoine Emaz ou encore Maria Medrano qui viendra de Buenos Aires. Une soirée consacrée aux poètes libanais Tamirace Fakouri et Issa Makhlouf est également programmée.
Plus d’infos sur le site de La Maison de la poésie de Rennes : http://www.maisondelapoesie-rennes.org/

 

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ActuaLitéS [Novembre/Décembre 2009]
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Quand je me deux est le tout récent livre de Valérie Rouzeau. Il a été conçu, en partie, pendant la résidence de l’auteur à la maison de la poésie de Rennes au printemps 2008. Elle viendra le présenter et en lire des extraits, en compagnie de son éditeur (Le Temps qu’il fait) le mercredi 9 décembre à 19h30 la MIR (Maison Internationale de Rennes).
Même lieu, deux jours plus tard (le 11 décembre) à 20h30, la compagnie L’Aronde donnera une représentation théâtrale créée autour d’un autre livre de Valérie Rouzeau : « Pas revoir » (Le Dé Bleu).

Une note concernant « Quand je me deux » est en ligne sur remue.net : http://remue.net/spip.php?article3441

Pour plus d’infos sur les deux soirées à venir, on peut visiter le site de La Maison de la poésie : http://www.maisondelapoesie-rennes.org/

 

Journal d’un voyage à pied le long de la rive sud de la rade de Brest en hiver de Chann Lagatu et L’échappée belle de Pascal Boulanger, 77ième et 78ième titres de la collection Wigwam viennent de sortir. Ils bouclent l’année 2009 et sont disponibles (5€ l’exemplaire) à notre adresse.  (14 bd Oscar Leroux – 35200 Rennes).

 

Sur les quais de Jacques Josse, publié aux éditions TraumFabrik avec des dessins originaux de Georges Le Bayon, aujourd’hui épuisé, est désormais accessible via Publie.net.
Pour infos, suivre ce lien : http://www.publie.net/tnc/spip.php?article283


Mots Tessons L’occasion d’annoncer la création d’une nouvelle maison d’édition est trop rare pour que l’on s’en prive. Ainsi, plaisir à saluer et à soutenir les premiers pas de « Mots tessons ».
Deux titres sortent simultanément : « L’espèce » de Mathieu Brosseau et « Cellules souches » de Philippe Rahmy et Stéphane Dussel.

Mots tessons éditions / Armand Dupuy : 8 rue de Thizy - 69550 Saint-Jean-La-Bussière.

 

 

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ActuaLitéS [Octobre 2009]
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Changeons d’espace et de temps Pour ce faire, pour donner vie à sa proposition, Laurent Grisel change également de support. Ses poèmes, dits et mis en images et en sons par lui-même et Wall°ich, intègrent le label Vouïr et prennent place, via ce DVD, dans la collection « Ceux qui pensent tout seuls » où l’on trouve, entre autres, des réalisations de Henri Meschonnic, de Jean-Clarence Lambert ou de Franck-André Jamme.

« Allons dans les nuages, allons
dans leur danse, laissons-nous
emporter, rouler, monter
au ciel et nous éloigner. »

C’est dans un présent fluide, mobile, parfois rêveur mais restant néanmoins en contact avec le tranchant des réalités qu’il nous incite à le rejoindre, pour un parcours où la mise en alerte (et en appétit) de tous nos sens de lecteurs (et écouteurs, et regardeurs) curieux sont garantis.

Laurent Grisel : « Changeons d’espace et de temps », Vouïr. Infos sur le site http://artitoo.free.fr/vouir

 

Toboggans des maisons  Amandine Marembert possède cette propension à l’étonnement qui lui permet d’ouvrir, mine de rien, un registre assez rare aujourd’hui en poésie. Fraîcheur et simplicité sont dès lors au rendez-vous. Il lui suffit de se glisser dans des maisons aux fenêtres grandes ouvertes et aux objets épars, désordonnés, familiers, ramenant tous à des fragments de mémoire, pour sentir autour d’elle des présences spontanées qui, venues du dehors, retournent, illico, traîner leurs secrets entre branches, oiseaux, graviers.

« Le rouge-gorge est assurément le coquelicot volant des jardins
On voit dit-on couler le vin dans son gosier lorsque le cerisier fait ses confitures à la volée. »

« Toboggans des maisons », illustré par Audrey Calleja est publié dans la collection « le farfadet bleu » qui, avec ce titre, quitte les éditions L’idée bleue (qui ferment boutique) pour les éditions Cadex.

Amandine Marembert : « Toboggans des maisons », Editions L’idée bleue / Cadex.

 

Brasure Le lieu (qu’il soit campagne ou océan) est tout entier présent dans cet ensemble de poèmes de Alain Le Beuze. Le lieu et l’homme qui passe, s’y attarde ou s’y terre.
La citation de Jacques Ancet inscrite en exergue est on ne peut plus judicieuse : « C’est peut-être l’attente qui fait le lieu. Tout ce que le corps et le regard y mettent de vie pressentie et promise ».
L’écriture de Le Beuze est précise et épurée. Vers brefs et taillés au plus près d’un sensuel retenu. Le lyrisme n’en est pas moins sous-jacent. Espiègle et vite raboté. C’est d’ailleurs ce qui donne à l’auteur cette singularité : parvenir tout à la fois à insuffler une forte dose d’énergie à ses textes tout en contenant leur envie d’en découdre avec les grandes envolées. Des ambivalences qu’il assume d’un bout à l’autre de ce livre de bord (de mer puis de terre) où l’on relit avec émotion « Passé antérieur », que nous avions publié et qui était épuisé depuis quelque temps déjà.

« Tu n’arrives jamais de nuit dans cette maison. L’ombre te met en joue dans ce rucher de souvenirs. Et l’éloquence des lampes n’ajourne pas les questions d’une enfance inachevée.
Tu y viens avec des provisions de livres, comme pour te murer dans des histoires sans lendemain. »

Alain Le Beuze : « Brasure », Editions Apogée, 11 rue du noyer – 35000 Rennes.

 

 

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ActuaLitéS [Septembre 2009]
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Lettre à la pauvrière Philippe Marchal, dont nous avons publié « Près des fossés » (Wigwam 31) publie peu et passe plus de temps à faire connaître les textes des autres que les siens. Dès l’entame de la lettre adressée à celle qu’il nomme la « pauvrière » - et dont la présence s’affirme au fil du texte nécessaire et réconfortante - on se retrouve dans la simplicité, l’attente, la générosité. On se doute que ces deux-là sont momentanément éloignés et que le besoin de nourrir leur relation en attendant de se revoir passe par les mots dits, donnés, écrits, par d’incessants échanges capables d’aller rogner le silence, la solitude, les nuits froides.

« Je t’écris pour la reptation convulsive d’une existence qui tient fragile en un regard. Je t’écris de ce pays sans bureau de Poste ni Café de la Place. Je t’écris pour le feuillage idéal de ces cabanes saisonnières dont je fus l’architecte sauvage. »

Philippe Marchal anime la revue Travers qui vient de consacrer son tout récent n° à la réédition des « Chants de Yutz » de Jean Vodaine. Un détail de l’une des linogravures de Vodaine figure d’ailleurs en couverture de cette lettre écrite « par la main même du désir, celle dont les approches ne sont pas comptées quand j’avance vers toi, nu, assoiffé dans ce désert de mots ».

Philippe Marchal : « Lettre à la pauvrière », Editions Jacques Brémond (Le Clos de la Cournhile – 30210 Remoulins-sur-Gardon).

 

 

Dans les ombres sylvestres  est le manuscrit retrouvé par les autorités au lieu-dit Cluquet, sur la côte landaise, après le passage dévastateur de l’ouragan Klaus en janvier 2009. L’une des dernières apparitions de son auteur se fit le corps vêtu de vieilles peaux de bêtes et le visage recouvert « d’une coiffe en tête de loup, les yeux grands ouverts ». Il courait à cet instant-là dans les bois et paraissait vivre au rythme de l’ouragan qu’il avait sans doute lui-même réussit à déclancher…

Outre ce document unique, ombrageux, écrit dans les sous-bois de la littérature, entre lyrisme, épopée et narration, « Dans les ombres sylvestres », c’est aussi – et surtout – le deuxième roman de Jérôme Lafargue, aussi vif, surprenant, captivant et (malicieusement) déroutant que le précédent, « L’Ami Butler ».

L’auteur de « L’effacement des potences » (Wigwam 74) retrace ici le parcours d’un narrateur parti sur les traces d’un aïeul aux allures de colosse féru de sorcellerie et de diablerie, un dénommé Elébotham qui fit ses armes au Dahomey avant de s’établir au village de Cluquet, dans les Landes.

Jérôme Lafargue : « Dans les ombres sylvestres », Editions Quidam.

 

 

Portrait du père en travers du temps Son père mort n’en continue pas moins de cheminer à ses côtés. Pas en permanence bien sûr, mais de temps à autre, venant à l’improviste habiter sa mémoire. Cela se passe dans « des moments de vie » particuliers. D’infimes réseaux, on ne sait d’où venus, se mettent à vibrer et inventent d’invisibles passerelles entre celui qui s’en est allé et celui qui reste. Ces moments-là, que nous avons tous, un jour ou l’autre, ressentis, James Sacré aime les noter ou s’en rappeler. Il les situe au fil là où ils surviennent. Cela peut être en Vendée, au Maroc ou aux Etats-Unis. Peu importe, à chaque fois, il est le récepteur unique et attentif de ce qui advient.

« Souvent je n’écris pas
Les quelques mots qu’un moment de la vie
(La couleur bleue par exemple de la bouillie bordelaise)
A semblé me donner pour que je pense à mon père.
Je laisse le temps et les choses s’en aller. »

Ces fragments, ces séquences bougent et s’immiscent peu à peu dans des poèmes qui n’étaient peut-être pas, à l’origine, destinés à prendre place dans un même livre mais qui, néanmoins, par la force des choses, et l’élément moteur qui les guide, se trouvent, « en travers du temps », devoir bel et bien former bloc.

James Sacré : « Portrait du père en travers du temps » (lithographies couleur de Djamel Meskache), Editions La dragonne.

 

 

Uns Après avoir publié en début d’année « La nuit d’un seul » (Editions La Rivière échappée), ensemble étonnamment construit, ancré au cœur de la création et de ses multiples méandres, Mathieu Brosseau explore à nouveau, balayant avec insistance et acuité, en seize séquences, ce continent vif, vivant, très ouvert qui est le sien. Un continent où l’écriture, le corps, l’humain, l’inhumain, l’animalité toujours en embuscade restent tendus à l’extrême. Il avance sur un fil invisible, portant avec lui des proses denses et soutenues destinées à lier entre elles toutes les fractions de l’existence.

« Tu te concentres. Les yeux en barbelé. C’est pour mieux voir. Soyez. Ça n’existe pas. Mon étranger n’est pas le tien. Dans ma langue, l’inconnu. De bas en haut, un mouvement ascendant. J’en ai l’intuition. Il n’en est rien. Il fait sombre. L’étrangeté m’est personnelle. »

L’ensemble, disponible sur Publie.net, est présenté par Armand Dupuy qui situe très bien les divers territoires (physiques, sensoriels, immémoriaux, réels, fictifs…) traversés par l’auteur tout au long de l’élaboration de « Uns » :

« L’écriture de Mathieu Brosseau est une écriture reliée. Elle se fait dans le millefeuille des moments qui la constituent. »

Mathieu Brosseau : « Uns », Editions Publie.net
http://www.publie.net/tnc/spip.php?article260

 

 

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ActuaLitéS [Juin/Juillet 2009]
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L’immensité restreinte où je vais piétinant a été publié une première fois à l’enseigne des éditions Paroles d’aube il y a une quinzaine d’année. Epuisé depuis longtemps, le voici réédité par La Passe du vent. Cette parution, outre le fait qu’elle redonne à lire ce qui constitue sans doute l’ensemble poétique phare de Lionel Bourg, permet de revenir sur les poèmes de celui qui nous a, ces derniers temps, plutôt donné à lire des textes en prose. On retrouve ici ce qui est ancré au centre de son œuvre, ce qu’il ne cesse d’explorer, tous ces chemins ouverts qui mêlent autobiographie, émotion, solitude, lectures, promenades, inquiétude, constats, douleur, blues…

« C’est dans son vaste poème des morts le Kaddish
qu’Allen Ginsberg évoque les corbeaux croassant du cimetière de Long Island
et je ne démêle pas pourquoi je pense à cette prière ces corneilles
que l’on méprise beaucoup trop à mon goût sans doute
font-elles peur quelle importance au demeurant d’ailleurs
je ne connais ni Long Island ni Ginsberg tout juste quelques arpents poussiéreux des reliquats d’imaginaire »

La présente édition est augmentée d’une conversation avec Lionel Bourg. Il évoque, entre autres sujets, avec distance et acuité l’histoire et les à-côtés de ce livre qu’il a composé « durant sept ou huit mois, entre l’automne 1993 et le printemps 1994, un peu comme un journal. »

Lionel Bourg : L’immensité restreinte où je vais piétinant, éd. La Passe du vent.

Nono, livre de Thierry Le Pennec sort aux éditions La Part commune.

« Une part de moi ne va pas bien
celle appelée le frère celui qui est
sur un lit d’hôpital avec à la tête
un pansement une bête noire dessous ».

Ce frère, en proie aux affres d’une maladie dont le nom n’est pas dit mais dont on se doute bien qu’elle mord, creuse et mange la vie sans rémission possible, c’est Nono qui déjà ne parle plus, ou si peu, qui ne voit plus, qui n’entend plus et qui se prépare à quitter l’ici-bas pour ailleurs. Cela, famille et proches unis, atterrés, démunis, pris dans cet échange du peu de mots qui précède le silence et l’acceptation, ne peuvent l’empêcher. Ils n’ont que leur présence à donner pour tenter d’équilibrer le balancier d’un destin qui veut que l’un sombre trop jeune tandis que les autres doivent poursuivre sans lui.

Cette absence impossible à combler mais avec laquelle il faut néanmoins s’arranger, Thierry Le Pennec l’écrit avec la force rentrée qu’on lui connaît et qui s’avère ici très efficace. Ses poèmes brefs, déhanchés, roulant pierre à pierre et portant avec eux tant de gestes simples, d’émotions, de réflexes, d’émoi, de chaleur sur la page, s’assemblent pour créer, au final, le plus beau tombeau qui soit : celui dédié à Nono, ce frère disparu qui restera présent aux autres tant que ceux-ci le seront à eux-mêmes, avec fidélité, dans leur quotidien et leurs souvenirs.

Thierry Le Pennec : Nono, éd. La Part commune

 

Terreferme est, après « Fondrie » (Cheyne, 2002), le deuxième volet de la tétralogie « La rêverie au travail » à travers laquelle Jean-Pascal Dubost entend écrire, décrire, percer, interroger les quatre éléments présents « dans la vie réelle » ainsi que leurs rapports directs « sur les activités humaines dans certains secteurs économiques dont ils sont ressource, matière ou énergie ».
Si « Fondrie » s’attachait au feu de la fusion, « Terreferme », comme son titre l’indique, est tournée vers la terre, celle que l’on ouvre, que l’on laboure, celle où l’on sème, sue, récolte. Autrement dit la terre liée à la ferme et plus précisément à ce que l’on nommait « ferme modèle », concept apparu dès le dix-huitième mais qui ne vit le jour qu’au dix-neuvième siècle, faisant en particulier une belle incursion aux alentours de Segré. C’est là, dans le pays du Haut Anjou Ségréen, que Jean-Pascal Dubost fut, il y a quelques mois, en résidence d’écriture. Il en profita pour arpenter la contrée en quête des vestiges encore visibles de ces fermes dont l’une, située à Bourg d’Iré, vit le jour sous l’impulsion du comte Alfred de Falloux (auteur de la loi du même nom) lorsqu’il rentra au pays « en homme politique déchu par le coup d’état du 2 décembre 1851 ».

« De Falloux fit supprimer fossés et chemins creux, fit terrasser, niveler, drainer, assainir, irriguer et imagina cette ferme régulière et symétrique, sans fantaisie. »

J.P. Dubost sillonne la campagne. Il prend notes et photos. Il écrit de courtes biographies des personnages ayant marqué les lieux. Il consulte les registres, repère les failles, scrute le paysage et finit par rencontrer l’un des derniers témoins d’une époque révolue : Alfred Liaigre, commis chez l’éleveur Huet de 1939 à 1945. Ce qu’il dit, et que l’auteur retranscrit au mieux, nous plonge au cœur du bocage, de ses us et coutumes, de ses duretés au travail, des exigences des patrons et des châtelains d’époque.

Dans ce livre, écrit « en vers injustifiés », la poésie n’est pas là où on l’attend. Elle est dans les interstices, dans la matière, dans la densité de la langue, dans la respiration soutenue, dans les proses longues et sinueuses où circulent réflexions, descriptions, repères économiques, architecture, histoire, économie. Un livre plein d’herbe, de terre, de tuffeau, de schiste noir, d’odeurs, de cadastres, de boue, de « borriques » et de cidre, un livre que l’auteur, qui parle aussi de « paresse travaillée », verrait bien étincelant de « bouésie ».

Jean-Pascal Dubost : « Terreferme », éd. L’idée bleue.


Apothicaria de Valérie Rouzeau (68ième Wigwam) a reçu, en même temps que Christiane Veschambre pour « Robert et Joséphine » (Cheyne), le prix des explorateurs 2009. Créé en 2005 à l’initiative de la Maison de la poésie de Saint Quentin en Yvelines, ce prix est décerné par des collégiens. 200 d’entre eux ont participé aux choix des livres primés.
« Apothicaria » est toujours disponible à notre adresse. De même que « Le beau rôle » de Jean-Claude Martin, 76ième titre de la collection, qui vient tout juste de paraître.

 

 

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ActuaLitéS [Mai 2009]
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Si la lune est là, livre d’Olivier Bourdelier publié au Pré carré, est constitué de poèmes courts, peuplés de plein jour et d’ombres. Tous sont traversés de brefs éclats de lumière. Les capter permet d’atténuer en partie la noirceur à l’œuvre tout autour sans pour autant perdre de vue ce qui se donne à lire.

« Frères humains qui après nous vivez
si par chance êtes en paix bien rassis
et si vous plaît d’agacer votre nerf
sucez ce noyau de souci
mâchez mon amande amère. »

Rien ici n’est dit à demi-mot mais tout est murmuré, décidé, accepté. On saisit ce qui s’est défait et ce qui reste à démêler : des peurs, des craintes, une vie fragile, vacillante, en sursis.

« La machine là
la pompe la turbine

va crassée de suie s’essoufflant

prépare-toi
prépare-toi. »

Ce qui étonne constamment chez Olivier Bourdelier, c’est cette concision, ce très peu (cette nécessité) qui lui permet d’aller à l’essentiel et de relier, en quelques vers, des émotions fortes et opposées. Le lien est possible grâce à ce qui semble immuable : le ruisseau où l’on se désaltère, le chemin que l’on suit et « qui s’ajoute au paysage », les enfants qui toujours « joueront dehors / avec leurs yeux d’or / avec leurs dents blanches. » Et la lune, pour peu qu’elle soit non seulement présente mais aussi visible, rassurante.

« Si la lune est là », Olivier Bourdelier, éd. Pré carré : 52 Quai Perrière – 38000 Grenoble.

 

Eloge de la palourde a été publié une première fois en 1996. C’est le livre le plus connu de Marc Le Gros. L’écrivain, amateur de pêche à pied, que l’on avait retrouvé, il y a à peu près deux ans, tout au long de « Marée basse », en quête de lançon et de palémon, revient avec cette réédition, revue et augmentée, tant attendue. L’ensemble est vaste, riche et empreint d’humilité. Les proses brèves de Marc Le Gros s’emboîtent et restituent au mieux le lent cheminement qui lui permet de dire tout le bien qu’il pense de ce bivalve secret trop souvent délaissé.

« On remarquera que la palourde n’a pas sa place dans la mythologie gastronomique du dix-neuvième siècle oisif et élégant. Le noceur, le soupeur fin, le gigolo des guinguettes encanaillées des bords de Seine l’ignorent ; ni Maupassant, ni Lorrain, ni Sachs n’en pipent mot. »

Le Gros interroge les écrivains. Il ausculte leurs livres. Détecte des façons d’être qui, « par le seul truchement marin », diffèrent. Son texte fourmille de notes, anecdotes, repérages et décodages malicieux. Son érudition, pour remarquable qu’elle soit, (c’est celle d’un curieux jamais rassasié) ne se hausse pas du col. Il la distille, au contraire, avec parcimonie, s’en moque même parfois (en se méfiant du maniérisme), la confronte à celles des autres, la remet à hauteur de table – et d’assiette – dès que nécessaire et, si cela ne suffit pas, la mêle au précieux savoir-faire de Laurencine Colleter, l’une de ses grand-mères, qui fut pêcheuse de palourdes à Térénez, dans le Nord Finistère.

Ce qui l’attire dans le bivalve lumineux où toute vie est « rythme, cadence » c’est sa grande discrétion, ce côté nocturne, souterrain qui le place à l’écart de la mondanité. La palourde resta longtemps absente de l’étal des écaillers. Elle fit tard son apparition au menu d’un restaurant. Ne se montra pas plus en peinture qu’en littérature. Modeste et mystérieuse, elle dut s’effacer au profit de l’huître, concurrente vorace et adulée. C’est ce combat inégal mais passionnant, qui débute entre sable, vase et roches pour se poursuivre au fil d’une écriture sinueuse, que raconte, en tableaux minutieux et bien documentés, Marc Le Gros dans sa réhabilitation.

« Eloge de la palourde », Marc Le Gros, éditions L’escampette.


Wigwam sera présent les 30 et 31 mai au festival « Poiêsis » de Châteaubriant. Les auteurs invités sont Amandine Marembert, Florence Pazzottu, Charles Pennequin, Nolwenn Euzen, Emmanuelle Pagano et Philippe Longchamp.
Infos près de l’association « 3 petits points de suspension : 22 rue Rigale – 44110 Châteaubriant.


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ActuaLitéS [Avril 2009]
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« La nuit, il y a un soleil blanc et des filles qui s’y collent. Et la ligne de leurs cris écrit ton nom dans l’eau. »
Pierre Peuchmaurd (« Email du monde », éd. Atelier de l’agneau)


Antoine Emaz n’est pas seulement le poète que l’on connaît, celui qui avec « Os », « Peau », « Caisse claire » ou « Sur la fin » (Wigwam 60) sait, avec peu de mots (et un lexique volontairement usuel) aller à l’essentiel. Derrière sa poésie, et souvent en amont, existe tout un travail – que l’on peut dire d’atelier – où notes, réflexions, questions, lectures, éléments brefs et infimes du quotidien ou faits de société, divers, historiques, politiques prennent place à l’intérieur de carnets qu’il tient avec plus ou moins de régularité. Ce sont ceux-ci qui constituent la matière de « Cambouis » qui vient de sortir aux éditions du Seuil (collection « Déplacements », animée par François Bon).
« Cambouis », on y met d’ordinaire les mains pour se colleter une réalité avec laquelle il faut bien, d’une façon ou d’une autre, trouver quelques accommodements. Emaz ne déroge pas à la règle. Il s’y colle. Y dit ses doutes, ses certitudes, sa solitude, ses fatigues, sa peur « d’un tarissement, d’une fin d’écrire avant de mourir ».

« La faiblesse du moi, la présence de zones d’ombre, l’absence de maîtrise… tout cela est vrai et détermine l’écriture. Si je pouvais faire autrement, je le ferais. Je ne le peux pas. »

Ce qui marque dans cet ensemble, c’est – outre la justesse des réflexions sur la poésie, l’écriture, le livre à construire – la façon fragile et intuitive qu’a Antoine Emaz de s’impliquer dans le temps présent, prenant ainsi à contre-pied bien des poètes (et pas seulement ceux du milieu du siècle passé) qui à force de se vouloir intemporels gomment de leur langage tout ce qui risque (hommes politiques, marques de voitures, émissions de télé, journaux, musiciens… etc.) de les rattacher à une époque qui est pourtant, bel et bien, la leur. Très personnel également, le besoin qu’il éprouve de donner à l’émotion (pourvu qu’elle soit maîtrisée) toute sa place.

Tout au long du livre, on retrouve les auteurs qui ne cessent de l’accompagner et de le marquer : André du Bouchet, Guillevic, Follain, Reverdy entre autres.

Emaz, « travailleur acharné », lecteur assidu (« lire tout, autant que possible »), épistolier, hypersensible, attentif aux autres, énervé parfois, toujours en quête d’une force, d’une énergie pour poursuivre, pour « vivre dans le faire », est tout entier (même en morceaux) dans le grand puzzle qu’il constitue au fil des mois avec « Cambouis ».

« J’écris ces notes à défaut d’écrire des poèmes qui renverraient ce questionnement esthétique au placard. Je réfléchis un peu le poème parce que je souffre de son absence, c’est tout. »

Antoine Emaz, « Cambouis », éditions du Seuil.


Hervé Carn semblait s’être un peu éloigné de la poésie pour privilégier durant la dernière décennie la prose, la narration, le roman avec, en point d’orgue, « La Procession d’Echternach » paru chez Léo Scheer en 2006. Auparavant, il avait donné un remarquable « Julien Gracq » (éd. L’Atelier des brisants), texte à situer plus du côté de la rencontre, de l’amitié et de la complicité que du côté, plus restrictif, de l’essai.
Il revient, et bien en poésie cette fois, avec « Vent de cendre », triptyque qui bouscule l’habituel parcours de tout être ici-bas pour en substituer un autre : qui va de la mort à l’ombre pour revenir « au pays d’avant-naître » (expression empruntée à Roger Gilbert-Lecomte). Cet itinéraire délicat et angoissant passe grâce au lent murmure qui habite ces pages et qui, disant le vent, s’immisce là où se trouvent des brèches, des creux, des interstices.

« Tu sortais, tu sifflais, / Tu appelais la nuit, / Car la nuit, pensais-tu, / Pouvait recouvrir les êtres / D’une tranquillité d’oubli. »

Le « Vent de cendre » qu’Hervé Carn suit à la trace vient de loin, de régions très brûlantes, pour se calmer au contact des corps inertes, des arbres en attente et des vagues échevelées. Au bout du compte, comme tout ce qu’il touche, il n’aura « pas eu la force de ne pas mourir ». Constat net, tranchant, sans appel.

Hervé Carn, « Vent de cendre », éditions Dumerchez (2, rue du Château, BP 70218 – 60332 Liancourt cedex).

 

Pierre Peuchmaurd nous a quittés, ce dimanche 12 avril 2009, nous laissant dans une grande tristesse. Il accompagnait Wigwam depuis ses débuts. De lui, nous avions publié « Trente-six strophes de l’année » (titre aujourd’hui épuisé).
La meilleure façon de le retrouver est évidemment de lire ses livres. L’œuvre est importante et imposante. Sans concession, elle évolue sur une ligne sensible, vive, légère, inventive et inspirée par les éléments, les animaux, les corps libres, les frémissements inhérents à toute vie secrète et assumée.
Avec Pierre Peuchmaurd, c’est un discret (de plus) qui s’en va. Parmi ses récents recueils, il faut d’abord citer – et ne pas rater – chez Simili Sky (9 rue Garibaldi 93400 Saint-Ouen) « Scintillants squelettes de rosée ». Un peu plus ancien mais étincelant, son « Bûcher de scève » (éd. L’escampette) fait partie, au même titre que « Le Loir atlantique » (éd. Cadex) ou « Les Bannières blanches » (Fata Morgana) de ces livres dont on ne s’éloigne jamais très longtemps.
Rappelons également le bel hommage que Peuchmaurd a consacré chez Seghers (Collection « Poètes d’aujourd’hui ») à Maurice Blanchard, l’auteur des « Barricades mystérieuses » (Poésie Gallimard), qui lui était très proche.

Mais maintenant que « Les chevaux dorment / et toi dans leur haleine / Les chevaux dorment très loin de toi / la plaine allume ses yeux de verre », il est temps, il est l’heure, il est plus que temps de lire l’ami, le poète Pierre Peuchmaurd (1948 – 2009).

 

 

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ActuaLitéS [Février/Mars 2009]
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Les polyphonies de mars, qui s’inscrivent dans le cadre du Printemps des Poètes sont des rencontres organisées par la Maison de la Poésie de Rennes (47, rue Armand Rébillon).
Durant dix jours - du 4 au 14 mars - poètes, éditeurs et comédiens iront à la rencontre du public à l’occasion de lectures, spectacles et tables rondes prévues sous la yourte de la compagnie La Lucarne qui prendra place, durant cette période, dans le jardin de la maison. Parmi les invités : Bernard Bretonnière, Patricia Nolan, Lucien Suel, Patrick Dubost, Abbas Beydoun, Iskandar Habache...
Plus d’infos sur le site : HYPERLINK "http://www.maisondelapoesie-rennes.org/" http://www.maisondelapoesie-rennes.org/

 

La Rivière Echappée offre un inestimable bouquet de printemps à ses lecteurs en publiant cinq ouvrages en même temps. Parmi eux, tout d’abord, la reprise de deux titres qui avaient connus l’an passé une diffusion restreinte et qu’il est important de voir de nouveau disponibles. Ils sont signés Dominique Quélen (« Comme quoi ») et Cid Corman (« Vivremourir »). Ensuite deux nouveautés venues de deux poètes qui nous sont proches : François Rannou avec « Contretemps paradist », (« un livre de secrets qui apparaissent comme des pierres à moitié enfoncées dans le sol et sur lesquelles figure une inscription », note, en quatrième de couverture, Jean-Patrice Courtois) et Mathieu Brosseau avec « La nuit d’un seul », livre où l’auteur (qui sera de l’aventure Wigwam l’an prochain) nous plonge au cœur de la création et de l’intime. Des extraits de cet ensemble ont préalablement été publiés sur « Remue.net ». Enfin, pour clore cette livraison hors norme, une rareté : « Le second silence de Pasternak » d’André Du Bouchet (1924 – 2001), texte publié pour la première fois dans la revue Critique en 1959.
Plus d’infos sur le tout nouveau site des éditions : http://www.lariviereechappee.net

 

Wigwam publiera, à la mi-mars, les deux premiers titres de l’année 2009 : « L’effacement des potences » de Jérôme Lafargue, prix des librairies Initiales avec « L’Ami Butler » (éd. Quidam, 2007) et « Si ma tante » de Jacques Demarcq, l’auteur des « Zozios » (éd. Nous, 2008).

 

Piqué d’étoiles, la collection de récits des éditions Apogée, a publié, en fin janvier « Rouge Rothko » de Françoise Ascal (déambulation inspirée entre les œuvres des peintres dont elle a visité les expositions) et « Comme sont nus les rêves » de Lionel Bourg qui poursuit ici, de Rennes à Douala en passant par Saint-Étienne et ailleurs, une quête autobiographique qui ne cesse de s’étoffer en créant, à chaque fois, de nouvelles et nécessaires ramifications.
A paraître, en mars, dans la même collection : « Les Lépreux souriants » de Louis-François Delisse (textes écrits au Niger il y a près de 50 ans) et « Le Pli de l’air » d’Erwann Rougé, roman grâce auquel l’auteur nous permet de suivre des vies fragiles, dans le Brésil d’aujourd’hui où il séjourne régulièrement.
Plus d’infos sur le site : http://www.editions-apogee.com

 

 

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ActuaLitéS [Janvier 2009]
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Alice Massénat Si discrète que soit celle qui nous avait jadis donné « L’homme du sans-sépulcre » (Wigwam, 6 / 1993) sa voix n’en demeure pas moins forte, vibrante, cinglante. « Ci-gît l’armoise » qui paraît aux éditions Simili Sky s’ouvre sur ce désordre perturbant et fragile qu’elle sait empoigner à bras le corps, conjurant ses peurs en préférant l’attaque à la soumission.

« J’ai un corps qui me ronge et ne sais plus où virer »

Elle esquive, contourne les obstacles, sait faire bloc avec des mots rares ou ordinaires qui tiennent dans un poing fermé. Reste alors à trouver sa cible et à frapper juste. Ce qu’elle fait avec hargne et néanmoins vigilance. Les coups qu’elle porte ne sont jamais dirigés au hasard. La violence qui s’immisce dans ses poèmes ne gicle qu’avec parcimonie.

«L’huître s’effleure / se caillasse à bourrelets de franges / et tandis que de sa main, de son extrême regard / je ne suis plus là / la rogne gronde / à corps retranchés. »

Il y a chez Alice Massénat une tension très élevée (qui s’empare également du lecteur) mais qui réussit, dans ce livre plus que dans les précédents, à s’atténuer pour créer des zones d’accalmies qui peuvent s’attarder ici « jusqu’aux voiliers à l’approche » ou épouser là « cette histoire du dard caracolant de bris en rafles ». Moments de calme relatif avant que la colère ne refasse surface pour attaquer, griffer, fustiger à nouveau.

« Je hais jusqu’à ces mecs / tripes à valoir / seins en potence se refusant / ne se préservant qu’à bout de souffle / cancaneurs je vous le dis. »

Alice Massénat : « Ci-gît l’armoise », éditions Simili Sky (Véronique Loret, 9 rue Garibaldi – 93400 Saint-Ouen.

 

Emmanuelle Le Cam aime ces moments où, la fatigue égrenant ce qu’il en fut du jour, le corps peut enfin se poser pour recevoir ce que, du dehors, la nuit porte.

« Je lui sais gré de me / Mener en transhumance / Noire », note-t-elle tandis que montent les rumeurs de la ville, les pas brefs, le chuintement des pneus, les cris divers et les ombres indécises.

Moments où elle s’apprête à « basculer dans l’écriture » en y mettant non seulement ces fragments captés avec parcimonie mais aussi son corps tout entier, ses attentes, ses solitudes, ses peurs…

« L’on va / Du provisoire au vacant / Le ciel se referme / Sur une nuit immense. »

C’est ce continent étroit, entre la quiétude d’un chez-soi réparateur et l’angoisse d’un dehors urbain qui, par bien des côtés, l’attire, que visite Emmanuelle Le Cam dans ce livret qui plie (et déplie) judicieusement la nuit.

Emmanuelle Le Cam : « Nocturne, chronique », éditions Citadel Road (2 avenue Robespierre, apt. B. 28 – 56100 Lorient).

 

Olivier Bourdelier Peu d’éclats, peu de mots. Juste ce qu’il faut pour poser le poème en équilibre. Les doutes, les inquiétudes, les oublis sont (presque cachés) dans le texte. A nous de les repérer.
Le poème d’Olivier Bourdelier est ramassé et néanmoins ouvert. On se souvient de l’un de ses premiers livres, « Eugène les monstres » (Ed. Tarabuste, 1998), où il disait en un clin d’œil combien Guillevic comptait pour lui. Par sa brièveté, son rapport à l’évidence et sa façon (précaire) d’aller à l’essentiel, sans digression.

« Mon père avait la main sure / pour attraper dans son nid / l’essaim des frelons // le feu sait manger ça // alors les soirs d’été / se déployaient sans menace. »

Ce livre est composé de deux parties qui, en fin de compte, s’assemblent on ne peut mieux. La première, « Un oiseau compliqué », est une suite de poèmes brefs où l’oiseau du titre s’avère être bien plus qu’un volatile.

« La vie est / compliquée douloureuse et // la vie est /un oiseau qui chante dans le jardin // un oiseau douloureux compliqué. »

Un drôle d’oiseau qui a aussi à voir avec l’homme et qui n’est pas toujours facile à comprendre. Olivier Bourdelier, par petites touches, se référant à bien d’autres animaux, s’y essaie et réussit.

La deuxième partie, intitulée « Poème des millions de morts et moi », regroupe des séquences en proses, chacune d’elles incluant un moment précis de la vie de l’auteur et un fait lié à l’histoire récente et tragique du monde.

« Je défais les cartons étale vis et chevilles – déplie les notices peins des plafonds – fais livrer du fuel pour la chaudière.

A quatorze douze dix ans les petits soldats du Soudan tuent et meurent comme des grands. »

Séquences âpres, douloureuses, réalistes. Déroulant des épisodes de la vie de l’auteur, (entre 1966 et 2000) et, parallèlement, l’histoire des barbaries en cours, dans le droit fil de l’oiseau compliqué du départ.

Olivier Bourdelier : « Un oiseau compliqué », éditions Tarabuste (rue du Fort – 36170 Saint-Benoît-du-Sault.)

 

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ActuaLitéS [Décembre 2008]
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« ma voix sera là dans le non-dit
d’un non-lieu sur mesure
et ça fera du bruit je vous l’dis. »

Théo Lésoualc’h




Pascal Boulanger vient de publier « Jamais ne dort » aux éditions Le Corridor bleu. Livre de veille et d’éveil. Livre qui s’entrouvre, avec lenteur, à l’autre, à « elle », au désir, à l’intime. Livre salutaire et parfaitement décalé, s’immisçant entre poèmes, versets, aphorismes pour se frotter au monde, ailleurs, à Venise ou en Orient, partout où la vie vibre et où « mille mémoires hantent les cristaux de roche ».

« Avec elle, je suis loin des autres voix
Des diables pliés vomissant des grenouilles
De l’enfer qui n’est jamais assez rempli à leurs yeux !
Son corps adoré s’efface en me donnant son souffle
Il passe en rêve vers des villes changées en mer. »

La collection Wigwam accueillera Pascal Boulanger en automne 2009 en publiant un ensemble inédit intitulé « L’échappée belle ».

Le Corridor Bleu, 185 rue Gaulthier de Rumilly – 80 000 Amiens.


Mai hors saison existe depuis 1969 et publie épisodiquement un numéro que l’on n’attend presque plus et qui vient, à chaque fois, nous surprendre, nous emportant là où son animateur, le poète Guy Benoit, désire nous conduire. Le numéro 15 qui vient de sortir ne déroge pas à la règle. Proses, poèmes et lettres nous incitent à défricher des territoires où il est bon de s’aventurer. Ce sont ceux de la pensée, de la réflexion, de la méditation et de la clairvoyance attisées par diverses réalités vécues et transcrites sans effusion. Ici, tout particulièrement, les notes et carnets de guerre d’Algérie restitués par Jean-Pierre Begot et Guy Benoit et les pages brûlantes consacrées par Serge Sautreau à la forge familiale.
Plaisir de retrouver dans ce n°, Alain Roussel et Jean-Claude Leroy.
Beaucoup d’émotion en lisant, en ouverture, « ci-vit », inédit de Théo Lesoualc’h qui vient de tirer sa révérence, chez lui, dans le Gard où il vivait, solitaire, depuis de nombreuses années. Né en 1930, il avait notamment publié « L’érotique du Japon » chez Pauvert en 1968 et « L’homme clandestin » aux éditions de l’Instant en 1988. La photo de couverture est également de lui : deux « NON » virulents, bombés à la peinture blanche sur un mur de briques sombres contre lequel est posé un solex.
Parallèlement à cette livraison, paraît « la salle du bout », livre de poèmes du discret (et secret) Guy Benoit.

« Dîtes à mes amis / qu’il y avait un grand vide / à me sentir sable irisé ».

Mai hors saison, 8 Place de l’église – 53470 Sacé

 

Jean-Claude Leroy connaît bien la ville du Caire. Il y a fait plusieurs séjours. Y a passé des hivers, arpentant ces lieux où les ombres de Cossery, de Mahfouz ou de Joyce Mansour restent prégnantes. C’est dans ce décor urbain, entre modernité et fatras religieux, que le narrateur de ce récit s’élance à la recherche de Laure, femme furtive qui ne cesse d’apparaître et de s’évanouir au fond des impasses.

Le récit déroule ses séquences dans les rues, les cafés, de jour ou de nuit, tandis que tout autour la vie de la capitale égyptienne continue à son rythme. Ici, un diplomate français parle de la guerre du Golfe avant d’évoquer le dernier film de Chahine ou la mort de Youssef Idriss. Là, (nous sommes en 1992) Naghib Mahfouz s’installe au café Ali Baba tandis que des vendeurs de journaux proposent les premiers exemplaires d’Al Arham, dans lequel il publie une chronique hebdomadaire.

Jean-Claude Leroy porte ce texte avec force et conviction. Il ne néglige rien et ne s’attarde jamais sur telle ou telle situation. Tout s’imbrique, vibre, court avec violence, fougue, pudeur et fébrilité en quête éperdue de Laure.

Jean-Claude Leroy : « Le Temps pour Laure », éditions Cénomane, 33, 39 rue des Ponts Neufs – 72 000 Le Mans

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ActuaLitéS [Octobre-Novembre 2008]
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François Rannou publie « là-contre » aux éditions Le Cormier. L’auteur de « l’intervalle » (La Lettre volée, 2000) poursuit une exploration de la langue qui passe par le corps en jouant sur différents niveaux de voix. Ceci est entrecoupé de détails brefs, captés à fleur de nerfs, « au bord du dit », entre réflexion et érudition.
L’étrange et agréable sensation de côtoyer un poète qui se dédouble (si ce n’est plus) nous touche et nous emporte dans ce « feuilleton du  moitoinous » où les grilles de lecture proposées savent (allez-y voir) devenir évidentes.

« je suis avec vous dans le troué vif qui sur soi s’élève – nous fait tenir là-contre. »

François Rannou est l’animateur de la collection La Rivière échappée qui, après avoir été hébergée chez Apogée puis chez l’Act Mem, revient cet automne au statut autonome qui fut le sien dès ses débuts. Il est également à l’origine de la collection « L’inadvertance » qu’il codirige avec Mathieu Brosseau pour Publie.net. Plusieurs titres sont d’ores et déjà disponibles. Projet et programme sont à consulter sur le site : www.publie.net/tnc/spip.php?rubrique55

François Rannou : là-contre, éd. Le Cormier.
La Rivière échappée : Kernaleguen, La Chiffardière – 35440 Dingé

 

 

Emmanuel Malherbet (« Pour cela », Wigwam, 57) s’avère lui aussi très actif avec, d’abord, la publication d’un livre, son cinquième, « La forge des arbres » (éd. Cazimi) dans lequel la nuit chargée de douceur et d’imprévus se taille la part belle.

« est-ce que je sais / sur quelles colonnes la nuit repose / mais en son midi / quelque chose de toi la pousse / alors cela je le tourne et retourne / et vient un oiseau – le seul d’abord signal / et ce sont des vagues ensuite dans l’espace de la nuit / comme le boutoir de la mer / - la nuit croule sous les falaises / sous le battant des oiseaux. »

L’actualité d’Emmanuel Malherbet ne s’arrête pas là. Il vient en effet de traduire « Poèmes pour les marchandes de pommes, & » de Jonathan Swift (éd. L’Arbre) et de sortir aux éditions Alidades, qu’il anime depuis de nombreuses années, deux nouvelles plaquettes : « Petite théorie du passage » de Pierre Courtaud et « L’Argile des voyous » de Francis Coffinet. A ceci s’ajoute la parution du n° 16 du « Chemin des livres », entièrement consacré à Essénine à l’occasion de l’édition (une première en France) de « La Ravine », dans une traduction de Jacques Imbert, chez l’éditeur Harpo &.
Bref, une rentrée très riche en découvertes, résolument hors des sentiers battus. Avec des plaisirs de lecture sans cesse renouvelés.

Emmanuel Malherbet : La forge des arbres, éd. Cazimi, 82 Bd Gambetta – 02100 Saint-Quentin
Alidades : 1 Place du port – 74500 Evian-les-Bains.

 

 

Wigwam Les deux prochains titres, derniers de l’année 2008, « Respirer par les yeux » de Joël-Claude Meffre et « L’ombre des arbres diminue à certaines heures du jour » de Amandine Marembert sortiront courant novembre. Ils peuvent dès à présent nous être commandés.

 

 

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ActuaLitéS [Septembre 2008]
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Jean-Luc Steinmetz Son travail critique ((tels ses « Signets » chez Corti), ses études, essais et biographies de poètes du 19ième (Pétrus Borel, Rimbaud, Mallarmé) ou 20ième siècle (Breton, Jaccottet) font (et c'est dommage) parfois passer au second plan le parcours poétique de Jean-Luc Steinmetz. Régulièrement, un livre vient pourtant nous rappeler l'intériorité secrète qui l'anime et qu'il exprime à demi-mots, entre notes de voyages et émotions saisies au vol. Cela n'empêche jamais le quotidien, où qu'il soit, de tirer sèchement sur la corde :

« La semaine s'ouvre à Port-au-Prince,
les activités menant leur train, allant vers quoi ?
Et la même condamnation aux 6 jours de peine débute ailleurs aussi
pour une Europe qui s'empresse de mettre fin aux angoisses de l'âme
par les palpitations du papier-monnaie. »

Rêveur, solitaire, transcendé par la lumière et le verbe bref, Steinmetz est souvent tout cela à la fois. Mais dans les limites de la réalité. C'est ce qui fait la force de ses textes et notamment de ce livre au titre on ne peut plus explicite.

Jean-Luc Steinmetz : « Le Jeu tigré des apparences », éd. Le Castor Astral BP 11 – 33038 Bordeaux cedex

 

Alain Le Saux Depuis « Aucune fiction, (Wigwam 3,1992) Alain Le Saux n'avait plus rien publié. Un silence éprouvant et enfin comblé avec la sortie, au cœur de l'été, de « CruciFiction ». Cet ouvrage est le premier des éditions Les Hauts-Fonds. Il court sur plusieurs années (de 1989 à 2002), construit par séquences, suivant différents lieux de résidence, entre Brest et Paris avec détour vers des ailleurs non précisés mais suggérés.

« Des os on fait
des flûtes musicales -

On y est pour quelqu'un
quand le rêve pétrit
à distance ses moraines

On sonne sa langue On défraye le vent
On dort près des urnes chaudes
proches des joues du borderline. »

Alain Le saux emprunte des itinéraires chauds et sinueux. Des chemins de traverse pour aller de la mer à la ville mais également de soi à soi en passant par les autres, leurs paysages intimes, leurs façons si particulières de les donner (souvent sans s'en rendre compte) à celui (lui) qui sait les prendre, les filtrer et les recycler en leur transmettant la dose d'énergie qui leur manquait.

« Sur ce cliché ils sourient

La lune crisse ses dentelles Eux rêvent
un sang tellurique

Avant de s'évanouir dans la gelée des parcs. »

Livre vif, aux aguets, en équilibre sur un fil tendu au-dessus de la ville et de ses rues animées où vaquent flâneurs, agités et curieux portant, tous, cet invisible fardeau qui leur fait baisser la tête.

Alain Le Saux : « CruciFiction », éd. Les Hauts-Fonds, 22 rue Kérivin – 29200 Brest.


Jehan Van Langhenhoven J.V.L. aime se donner des défis malicieux et impérieux. Fomenter « La Condition Humaine II » en est un. Traité à sa manière et relevé haut la main – et les cœurs. Avec tact et méthode. C'est à dire casting (Rose, un voyeur, le fossoyeur, puis Marcel, Jeanne, Antoinette, Robert) et action (tout ce beau monde d'abord réuni lors d'un enterrement puis au repas qui suit et enfin bien plus loin, pris dans les coulisses d'une course cycliste mythique et épique, entre « billot d'éros » et « bruits de pédaliers », dans une Bretagne prenant les virages des années 60 sur les jantes). Chez Van Langhenhoven, même détaché et « déguisé en André Malraux, parfait de masque et de dégaine, dans son costume fripé, jaunâtre, couvert de tics, accroché à un vieux cartable », cela suscite cris et crissements.

« De retour à l'hôtel, Jeanne, particulièrement excitée, a sauté sur Marcel qui, fidèle à la tradition, aux prémisses du coït pariétal, comme toujours a exigé d'elle l'usage exclusif de sa paume droite. Celle borgne d'annulaire et d'index. Et le matin s'est levé sur l'ultime coureur aux genoux écorchés. A-t-il vraiment vu Brest ?»

Réponse dans le livre. Augmenté d'un épilogue malin et d'un autre (joyeux et vivant) texte : « Mademoiselle George » (un caprice de Bonaparte), « bouquetière l'après-midi » et « étancheuse le soir ».

Jehan Van Langhenhoven: « La Condition Humaine II », éd. Rafael de Surtis, 7 rue Saint-Michel – 81170 Cordes sur Ciel.

 

MidiMinuit débordement, festival poésie / Musique / Arts plastiques conçu par La Maison de la poésie de Nantes se déroulera dans le quartier Decré de la ville du 9 au 12 octobre. Un échange s entre les éditions Wigwam (J.Josse) et les éditions Nous (Benoît Casas) aura lieu à la bibliothèque de l'école régionale des Beaux Arts le samedi 11 octobre à 14 heures.
Plus d'infos sur le site du festival : http://www.midiminuitpoesie.com/

                          

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ActuaLitéS [Juillet/août 2008]
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Paol Keineg « Les trucs sont démolis », livre publié conjointement par Obsidiane et Le Temps qu'il fait, permet enfin de suivre Paol Keineg dans la durée. En 400 pages, cette anthologie, qui court de 1967 (année de publication du « Poème du pays qui a faim ») à 2005 (parution de « Là, et pas là ») montre la force et la belle énergie qui s'affichent en permanence (malgré les désillusions, les silences et les pirouettes désabusées) au cœur de l'œuvre. L'aventure se situe bien dans la langue, celle-ci étant d'abord déliée, tonitruante, proche de l'oralité – et de la gwerz, ce blues de Bretagne – puis peu à peu ramassée, concise, serrée tout en restant nerveuse, incisive, claquante. Aventure au long cours. Keineg s'en explique dans une étonnante (et détonante) préface (« en vieillissant on ne renonce pas : on aiguise ses armes », dit-il). Sans concession mais avec d'inévitables constats, avec des pieds de nez, avec des flèches courtes et précises.

«Les poètes d'aujourd'hui doivent s'expliquer. Parfois les explications sont lumineuses; souvent je les trouve barbantes. »

« Puisque toute vie est un échec, échouons toujours mieux. »

Keineg, d'un bout à l'autre du livre, réactualise le passé avec fougue. Dahut, Taliesin ou Boudica l'accompagnent et traversent à ses côtés de nombreux champs de pommes de terre pour se rendre « Chez les porcs », dans une micro-société si proche de la nôtre :

« Je tire mes informations d'un monde disparu où la vie des porcs faisait l'objet de commentaires monotones le soir autour du feu. Comment dire la souffrance dingue des porcs d'aujourd'hui ? Ma lointaine enfance, qui n'est pas celle que vous croyez, je l'ai peuplée du porc universel. »

Paol Keineg : « Les trucs sont démolis », coédition Le Temps qu'il fait et Obsidiane.

 

Marc Le Gros publie coup sur coup (aux éditions La Part commune) « Tombeau pour Laurencine C. » et « Poèmes du voyage ». Deux livres toniques et une façon, d'abord dans le premier, de redonner vie (sans tristesse) à « une grand-mère paternelle au port superbe et au verbe haut » et de revisiter, dans le second, une vingtaine d'années de voyages, en quête d'ailleurs et de « Grand Dehors » sans jamais perdre de vue ce qui se dit, se passe, se trame ou se meurt ici même.
La mer, les oiseaux, la géographie, la mémoire et tout ce qui peut relier les hommes restent très présents dans les textes de l'auteur de « Trapani » (Wigwam, 63). Des livres hors frontières ou presque. Avec toujours, au centre, cette propension quasi naturelle chez Marc Le Gros à se sentir bien (souvent en harmonie) non seulement avec les lieux et les paysages mais aussi avec les habitants des pays où il fait escale.

« Il y a un vieux pêcheur / A Lipsi / Avec une barque bleue / qui ne pêche jamais / Il va et vient d'un bout à l'autre de la baie / Entre les pointes de Coatis et de Tarsanas / Où passent les ferries / Alors il laisse tomber ses rames / Se lève / Salue de son chapeau de toile claire / Et sa main trace de longs demi-cercles / D'un tolet à l'autre et personne jamais / ne répond. »

Marc Le Gros : « Tombeau pour Laurencine C. » et « Poèmes du voyage », éd. La Part commune, 16 quai Duguay-Trouin – 35000 Rennes.

 

Alain Jégou n'a pas ménagé sa peine pour mettre sur pied, ces dernières années, un ouvrage collectif en hommage à son ami Claude Pélieu, décédé le 24 décembre 2002 à Norwich, dans l'état de New York. Le livre est désormais prêt. Il sortira en novembre aux Éditions l'Arganier et on peut d'ores et déjà en réserver un exemplaire. De nombreux auteurs, artistes et musiciens y participent, notamment Yves Buin, Michel Bulteau, Henri Chopin, Alain Jouffroy, F.J. Ossang, Charles Plymell, Matthieu Messagier, Lawrence Ferlinghetti, Claude Beausoleil, Lucien Suel et Bruno Sourdin. « Je suis un cut-up vivant », 280 pages format 15 X 21 cm paraîtra en même temps que « La Crevaille », dernier texte de Claude Pélieu, édition unique (64 pages) réservée et offerte aux souscripteurs.

« Je suis un cut-up vivant », ouvrage collectif autour de Claude Pélieu et « La Crevaille » : 20 € (+ 4,40 de port). A commander auprès de Alain Jégou : 33 bd de l'océan, Le Fort bloqué – 56270 Ploemeur.


Wigwam Les éditions seront au « poétiques » de Saumur les 6 et 7 septembre. Rendez-vous au Jardin des plantes de la ville. Lecture de Jean-Michel Espitallier, Ariane Dreyfus, Arno Calleja et Philippe Longchamp. Pour tout autre renseignement, contacter l'association « Littérature et Poétiques », 18 rue Basse Saint Pierre – 49400 Saumur.

 

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ActuaLitéS [Juin 2008]
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Claude Held nous embarque pour un long périple (250 pages) dans un monde (le nôtre) où la déraison fait feu de tout bois, brûlant au passage bien plus que du petit fagot. Sous-titré « conte cruel à l'usage des amateurs de crimes et d'enquêtes de notre temps », l'ensemble part sur les traces de « On », cet énigmatique et interchangeable personnage placé au centre de tous les faits divers authentiques répertoriés ici, en 120 séquences, vues des deux côtés du miroir, virant du versant criminel à l'enquête policière en une seconde.

« Un crime a été commis. Les premiers soupçons se portent naturellement sur On. On aurait été vu s'éloignant de l'immeuble. On aurait jeté des regards furtifs dans des circonstances non encore élucidées. On aurait porté le corps jusqu'à son véhicule. »

Qui est On ? Est-il multiple ? Ou alors unique ? Ou fruit d'une imagination collective sérieusement manipulée par médias, enquêteurs, juges et spécialistes jamais à court d'arguments ? Sans doute est-il, ce On, qui peut devenir X ou « je », un peu tout cela en même temps. Le mieux, pour un éclairage minutieux, est évidemment de suivre Claude Held sur cet étrange terrain littéraire où il déambule à son aise, entre poésie, dérision et logique implacable.

Claude Held : « Qui est on ? » Propos 2 éditions (MJC Allée de Provence – 04100 Manosque)

 

 

James Sacré « Une idée de jardin à Beyrouth » n'est pas seulement une invitation à flâner avec James Sacré dans un dédale de rues et ruelles où l'on glisse aisément d'une villa « violemment jetée en hauteur » à « une construction vide toute en ouvertures noires dans son béton cru ». C'est aussi une quête de paix, une marche lente (avec le regard constamment aux aguets : rien ne lui échappe) vers ce qui perdure et rassemble, autrement dit le (ou les) jardin(s), les arbres, les « herbes et fleurs sauvages » et, parfois, des tombes « très serrées les unes contre les autres ».

« Le ficus est au centre du cimetière. Tourterelle qu'on y entend et d'autres pépiements ou le chant roulé d'un oiseau qu'on ne connait pas. »

D'autres jardins s'offrent à lui. A l'écart. Entre des murs défaits et une maison inhabitée. Ou dans d'autres endroits encore. « Un peu avant le palais Maouwad » ou, entre ciment et parpaing, dans le bas du « Secteur Bachoura ». Partout où une idée de silence peut aider, un instant, à oublier la mesure trop étroite du temps et « les discours de ruse et de pouvoir ».

James Sacré : « Une idée de jardin à Beyrouth », avec des gravures de Vincent Rougier, Ficelle n° 84. Atelier Rougier V. Les Forettes – 61380 Soligny la Trappe.

 

Lecture Alain Roussel (« La vie privée des mots ») et Jacques Josse (« Les Lisières » et « Près du pilier ») liront des extraits de leurs récents livres lors d'une rencontre au jardin, librairie Planète Io (Rue Saint Louis à Rennes) le samedi 21 juin à 16 heures.

 

Wigwam vient de publier « Night and Day » de Loïc Herry (postface de Jean-Pascal Dubost). Les éditions seront, les 5 et 6 juillet, au dixième marché de la poésie de Rochefort sur Loire (49). Lectures de James Sacré, Erwann Rougé, Thierry Renard...

 

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ActuaLitéS [Mai 2008]
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Alain Roussel Que se disent les mots entre eux ? A quels jeux se prêtent-ils, réunis, accolés, juxtaposés, désunis, rabibochés à leur insu, sur le papier, l'écran ou plus simplement dans le vide, l'air, le vent ? Ont-ils des affinités, des répulsions, des envies de solitudes ou de gangs organisés, des désirs de détournements de sens, de sons, ne serait-ce que pour rendre la monnaie de leur pièce à ceux et celles qui les font parfois jouer de très mauvais rôles ?

C'est à ces questions, et à bien d'autres, que s'attelle Alain Roussel dans La vie privée des mots. Collectionneur particulier, il s'attarde avec malice sur ce qui se dit dans l'intimité d'une phrase, au hasard d'une rencontre fortuite ou voulue. Avec, à chaque fois, les mots en invités de marque. Les mots et leurs sonorités, leur double sens, leurs facéties, leur corps, leur odeur, leur couleur, leur tendance à forcer l'allitération et leur façon d'influer sur la pensée de ceux qui se servent d'eux sans payer, de temps à autre et cash, leur dû au silence.

Graphie et phonétique font bon ménage. « Les lettres voyagent aussi d'un mot l'autre, au fil des pages ». Alain Roussel les a à l'oeil. Il les repère, les suit, les note, les glisse dans sa collection et se laisse porter par ces grands voyageurs qui, mine de rien, lui remettent en mémoire quelques scènes sensuelles tout en modifiant sa propre perception de la réalité.

La vie privée des mots, éd. La Différence.

 

Dominique Quélen Comme quoi complète la trilogie des « petites formes » que Dominique Quélen a confié à la collection La Rivière Echappée. Les deux premiers titres sont disponibles chez Apogée et celui-ci à L'Act Mem où la collection a récemment migré. On retrouve avec plaisir ces proses courtes, tendues, « le monde mis à l'épreuve du corps, des mots du corps, et surtout de la jointure » comme le note si justement (en peu de mots, elle aussi) Maryline Desbiolles en quatrième de couverture.

« plaie ouverte au genou, avec ce mouvement de l'eau furieuse autour des barques et du corps qu'on a, dont rien ne peut donner l'idée. Le seul fait de l'avoir. D'en traverser l'épaisseur sans vie (dans un sens puis dans l'autre). Ordre, désordre, ouverture de l'obscurité. A feuilles sèches sous les pieds, esprit sec : chant à deux voix égales. Elles font leur bruit effrayant avant de se sauver. On se reçoit sur les mains, en souplesse »

Dans la même collection, paraît simultanément, Vivremourir précédé de Lieu de Cid Corman (1924 – 2004). Poèmes traduits par Barbara Beck et Dominique Quélen.
En postface, Laurent Grisel situe parfaitement l'oeuvre d' un homme qui a consacré toute sa vie à la poésie et qui reste encore trop peu connu en France. Il fut également traducteur (de Ponge, de Du Bouchet, de Jaccottet et de beaucoup d'autres) et éditeur de la célèbre revue Origin (dans laquelle ont notamment publié Charles Olson, Robert Creeley et Louis Zukovski).

 

Wigwam Peau d'lapin de Michaël Glück et Du Contour de Bruno Normand, 69ième et 70ième titres de la collection sont désormais disponibles. En attendant Night and Day de Loïc Herry qui le sera début juin.

Les éditions seront présentes les 31 mai et 1ier juin aux rencontres littéraires de Chateaubriant (44). Parmi les auteurs invités : Roger Lahu, Daniel Biga et Antoine Emaz (qui fait d'ailleurs la une du « Matricule des anges » n° 93, livraison de ce mois de mai).

 

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ActuaLitéS [Avril 2008]
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Lionel Bourg Invité à la villa Beauséjour (Maison de la poésie de Rennes) durant les mois d’avril et mai 2007, Lionel Bourg s’est emparé du mot « résidence » avec aplomb. Il l’a bien calé dans sa tête, l’a fait bouger à sa façon en le laissant travailler en douceur, dans le studio aménagé à l’étage, avec vue plongeante sur le parc puis sur l’eau grise (ou verte) qui file en rencontrer une autre, tout aussi sombre, aux abords du centre ville. C’est dans ce havre qu’il a jeté l’ancre, décidant d’y rester soixante jours d’affilée et de noter, d’annoter, au fil de son séjour au bord du canal, tout ce qu’il ramènerait de ses nombreuses balades, escapades, virées, découvertes et rencontres alentour.

Cela donne aujourd’hui un livre, « Le Chemin des écluses », publié par les éditions Folle Avoine, dans lequel Lionel Bourg, prenant ses « aises avec le tracé du canal », marche résolument, avec force ou nonchalance, vers ce qui vit, souffle, ouvre et incite au partage.

« Longeant le canal, sa lame d’étroit silence mal engagée, mal plantée dans un décor où des bâtisses en ruine exhibent leurs viscères sous de magnifiques glycines, j’attendis que la nuit fut complète avant de pousser la porte du jardin. »

« Le Chemin des écluses, » éd. Folle Avoine, La Houssaye – 35137 Bédée.

 

Antoine Emaz « Peau », le nouveau livre d’Antoine Emaz, est bâti sur un schéma identique aux deux précédents ensembles (Ras en 2002 et Os en 2004) publiés chez le même éditeur (Tarabuste). On y retrouve différentes sections – au titre bref et explicite : seul, trop, corde, lie, vert – qui s’échelonnent et s’intercalent, toutes datées, dans l’idée d’un journal (qui n’en est pas un) où le « on » remplace le « je » et où bribes, ébauches, incertitudes, tensions et fatigues nervurent l’apparente transparence des jours, des saisons, des années.

« à un moment du soir
reste la fatigue
la loque
du jour on lave vite
en mots comme on peut »

Dans les poèmes d’Emaz, c’est souvent le soir qui vient (« soir qui va dans sa dérive »), ce moment où fatalement « le ciel est passé / il n’y en a pas d’autre prévu / avant demain » et où la fatigue s’allie à la solitude pour couvrir une ombre qui marche, un pan de mur qui s’éteint, une page presque vide, une pensée qui s’y attarde, imprime des mots de peu, de rien, de vrai pour établir des constats d’inévitables fins.

« Il faudrait que les mots ne fassent pas plus de bruit que les choses qu’on les entende à peine dire la table l’herbe le verre de vin. »

« Peau », éd. Tarabuste : rue du Fort 36170 Saint-Benoît-du-Sault.

 

Sophie Masson (1964 – 2006) dont nous avions publié « L’intime » en 1997 s’en est allée en laissant derrière elle un ensemble inédit. Le voici enfin disponible, coédité par Le Chat qui tousse et L’Idée Bleue.
« Les Anges tranquilles », ce sont des textes précis, fragiles, tous en prose, où l’on retrouve celle qui se disait « clandestine ». Et c’est effectivement ainsi qu’elle vécut, d’un bout à l’autre d’un parcours qu’il fallait bien, bon an, mal an, et malgré la douleur, équilibrer du mieux possible : en se voulant discrète, invisible, aux aguets dans la pénombre, écrivant pour quelques uns et se fichant sans doute de ce que bien d’autres pouvaient en penser.

« Mozart somnole sur le goudron solaire des rêveries fugitives. Je lui ressemble un peu. Pattes de velours, moment de miel arraché, pour un temps, à la fureur du monde quand tout s’accélère, va trop vite, nous bouscule, nous chamboule. Pattes de velours, mais yeux mi-clos. Aux aguets. Ne pas se fier à la torpeur trompeuse baignée de lumière blanche. Sur le qui-vive. Toujours. Mozart somnole et je l’observe. »

Le Chat qui tousse : Le Déharais – 44130 Bouvron. L’Idée Bleue : 85310 Chaillé-sous-les-ormeaux.

 

Valérie Rouzeau sera en résidence à la Maison de la poésie de Rennes en mai et juin prochains. Auparavant, invitée par la Compagnie Voyelles (qui met en scène et en voix « Pas revoir », éd. Le Dé bleu) elle sera, les 17 et 18 avril, au Théâtre des Cordes (32 rue des cordes) à Caen. Elle y fera une lecture d’Apothicaria (Wigwam, 68) le vendredi 18 à 19h.

 

Les Ed. La Digitale, animées par Jean-Jacques Cellier (c’est lui qui imprime nos Wigwams) se dote d’un site internet : www.editionsladigitale.com et publie en ce mois d’avril un récit de Jacques Josse, « Près du pilier », tout en rééditant, du même auteur, « La Mort de Gregory Corso ».

Editions La Digitale : 238 rue Jean-Marie Carer, Bourg de Baye – 29300 Quimperlé.


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ActuaLitéS [Février-Mars 2008]
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Wigwam donne rendez-vous à ses auteurs, lecteurs et amis parisiens lors d’une rencontre au Centre Cerise, 46 rue Montorgueil, 75002 Paris (Métro Sentier ou les Halles) le dimanche 16 mars à 19 heures.
Proposée par « Remue.net » avec la collaboration de la Scène du Balcon, cette rencontre permettra à Jacques Josse, l’éditeur, de nous parler de l’aventure Wigwam et de ses projets. Deux des auteurs publiés en 2007 dans la collection « poésie » viendront lire leurs textes : Valérie Rouzeau sera là pour Apothicaria et Dominique Quélen pour Le Temps est un grand maigre.

Entrée libre et gratuite. Réservation souhaitée au 01 42 96 34 98 ou par mail : scenedubalcon3@aol.com

 

Olivier Bourdelier (Quitte, Wigwam 58) invité dans le cadre des « Polyphonies de mars » initiées par la Maison de la poésie de Rennes lira ses textes le jeudi 6 mars à 20 heures à la Villa Beauséjour (47 rue Armand Rebillon, 35000 Rennes). Réservation au 02 99 51 33 32.

 

Louis-François Delisse répond aux questions d’Olivier Hobé sur notre site, rubrique « entretiens ». Belle occasion de côtoyer d’un peu plus près l’auteur des récentes Notes d’hôtel (Apogée) et De Fleur et de cordes (Wigwam, 61).

 

La rivière échappée Un rendez-vous à la bibliothèque Marguerite Audoux, autour de la collection "La rivière échappée" aura lieu le samedi 29 mars à 15 heures.
Après une présentation de la collection par François Rannou, son fondateur,
lectures de textes par Françoise Ascal, Jean-Pierre Chevais, Fabienne Courtade, Dominique Quélen, Jean-Claude Schneider, Jean-Luc Steinmetz et Esther Tellermann

Bibliothèque Marguerite Audoux : 10 rue Portefoin, 75003 Paris

 

La collection Piqué d’étoiles (Editions Apogée) ajoute, début mars, deux nouveaux titres à son catalogue: Les Lisières de Jacques Josse et Mémoire d’hommes de Jean-François Dubois. Apogée (11 rue du noyer, 35000 Rennes) sera présent au salon du livre de Paris du 14 au 19 mars (sur le stand de la région Bretagne).

 

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ActuaLitéS [Janvier 2008]
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                                                      « Tout se répète à nouveau tout est neuf », Loïc Herry
                                                                          

 Dans la lune est une revue de poésie animée par Valérie Rouzeau et éditée par le centre de création pour l’enfance de Tinqueux.
« Destinée aux enfants de cinq, six, sept à cent, cent dix-sept ans », on y côtoie, au fil des rubriques,  des auteurs attentifs à tout ce qui se joue ici-bas  (dans la langue, dans la vie, dans le monde) et là-haut. Le n° 10 nous permet de lire, entre autres, des poètes qui nous sont familiers, tels Bernard Bretonnière et Laurent Grisel, et d’autres qui le deviennent peu à peu, ainsi Nolwenn Euzen qui nous offre ici un inédit « dimanche trois temps » et ailleurs (à l’Idée bleue), dans son premier livre, Présente, une série de poèmes brefs, écrits au présent et capables de capter/capturer (superbe face à face entre pêcheur et poissons) ce qui reste de l’instant qui passe.  

Dans la lune, c’est aussi à chaque livraison  un artiste invité. Cette fois, le plasticien à l’honneur est Benoît Jacques, présenté par Laurent Grisel (avec qui il a notamment conçu les livres Chat et Bestiaire corse).

Dans la lune : 8 rue Kléber – 51430 Tinqueux.

 

Un paradis de poussière  James Sacré  invite, dans ce nouveau livre,  le lecteur à l’accompagner là où il s’est rendu il y a peu et d’où il revient avec de nombreuses notes en poche. La  traversée proposée sera lente. Le rythme voulu est en effet celui de la marche. Il avance  d’une manière qui paraît d’abord un peu hésitante mais qui devient  vite  efficace, ne laissant aucune émotion à la traîne. Il a une façon bien à lui  d’arpenter le paysage, de le sentir frémir, de s’y frotter, de ne jamais oublier ceux qui y travaillent. Il avance, respire, collecte,  coupe, cadre, dévie, revient sur ses pas, s’arrête et repart.

Les villes où il fait halte et déambule à travers rues, bazars, restaus ou cafés  se situent au Maroc, un pays qu’il affectionne et où il se rend fréquemment. Ces villes, il les sillonne en allant à la rencontre d’amis  peintres  - ainsi Khalil El Gherib - « J’ai rendez-vous avec Khalil pour aller voir chez lui / Les choses (le mot « peinture » ne convenant pas) qu’il fait »  ou  écrivain – Amran El Maleh - « C’est la main d’El Maleh que voilà tout active / à déprendre du plat ça qui empêche qu’on y mange / avec des gestes légers ». 

Un paradis de poussière, éditions André Dimanche : 10 cours Jean Ballard – 13001 Marseille

 

Vers à vif  Sitôt refermé l’étonnant Fatrassier (Tarabuste, 2007), voici que nous arrive Vers à vif, autre recueil (tonique, ironique, joueur) de Jean-Pascal Dubost. La rugosité qu’on lui connaît, il la met  (mais pas uniquement)  au service de la parodie, prenant plaisir (au fil de textes qui  se terminent tous par un tiret) à faire tanguer une langue qu’il maîtrise parfaitement, cherchant toujours « un bon arrangement dans ce bordel de mots qui m’use joyeusement », frottant son humeur  à un tas d’expressions  usuelles – et autres évidences épinglées – qu’il déjoue avec malice, d’un simple geste, d’un simple écart de voix ou de vocabulaire. Le tout sur fond de phrasé  fébrile, souple, chaloupé, quasiment  prêt  pour l’oral.

« Répétez après moi, tiens-toi droit, et tais-toi, et fais-toi tout petit, c’est entendu, c’est déjà vu, c’est couru, et j’y sais, mercredi, je ronge le frein le mors aux lèvres et mangerai mon pouce couché de moutarde jusqu’au coude et garderai l’autre, pour demain j’avalerai des couleuvres aujourd’hui les lanternes ont les plombs sautés –  »

Vers à vif, éditions Obsidiane (diffusion Les Belles lettres)

 

La rivière échappée (collection qui a pris la suite de la revue du même nom) a longtemps été hébergée par les éditions Apogée. Elle le sera désormais par l’Act Mem, la nouvelle maison d’édition créée (après Comp’Act) par Henri Poncet.  Pour plus d’infos, contacter  la.riviere.echappee@gmail.com

 

Wigwam publiera au fil de l’année 2008 des recueils de Michaël Glück, Bruno Normand, Loïc Herry, Joël-Claude Meffre et Amandine Marembert. Rendez-vous à la rubrique « parutions » pour en savoir un peu plus sur les auteurs et les titres annoncés.

 

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ActuaLitéS [Novembre-décembre 2007]
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Michel Valprémy.  Le vendredi 14 décembre à 18 heures, en hommage au poète disparu le 4 septembre, lecture de ses textes à la librairie Mollat à Bordeaux (15 rue Vital-Carles) par ses  amis Christophe Manon, Françoise Favretto, Sylvie Nève, Hélène Mohone, Christian Malaurie et le comédien François Mauget.
En présence des éditions de l’Atelier de l’Agneau où il a publié plusieurs livres.

 

Roger Lahu  publie Des pas dans la neige (sans neige) aux Editions Potentille.  Une balade dans la steppe (loin de la steppe) avec arrêt à Oulan-Bator, une balade née sans crier gare d’une lecture et d’un désir de grand départ (sans départ) que l’auteur de It doesn’t stop (Wigwam, 65) nous fait partager à coup de vers brefs qui, défilant en cascade, donnent une belle fluidité au recueil.

« Un poème ne peut rien / contre les hivers / contre le froid des hivers // un poème c’est trop / fragile / comme pare-avalanches // mais han ! han ! han ! / planter des poteaux / dans la prairie / ça réchauffe »

Editions Potentille : 2 rue du platane – 58160 La Fermeté

 

Alain Jégou. Cash, Dérives, Ombres furtives : trois ensembles de poèmes pour un  livre rageur, écumant, vivifiant. Rythme tendu, pulsions rapides, haletantes. Jégou embarque à nouveau son lecteur pour l’une de ses traversées rugueuses qu’il affectionne. Ça bastonne, ça cogne, ça tangue. La faute aux éléments et au monde qui ne s’appréhendent pas si facilement et qui offrent toujours autant de fil à retordre  à ceux qui les affrontent de face.

« Peut-être que le monde / bouge pense et agit bien trop mal / pour qu’on vienne encore / à lui trouver un sens / une espèce de décence / pour masquer ses carences. »

Cash, textes bilingues (traduction en anglais par Eve Lerner)  est édité par la galerie L’Autre Rive (disponible chez Eve Lerner 6 rue de Kerolay 56100 Lorient).

 

Wigwam clôture l’année 2007 en publiant simultanément trois recueils.
D’un côté, les 67ième et 68ième titres de la collection, L’écaille du serpent de Anne Peslier et Apothicaria de Valérie Rouzeau, de l’autre le 5ième titre de la collection « poésie traduite », Choix de poèmes de l’américain Charles Plymell,  traduit par le poète belge Jean-Marie Flémal.
Les trois titres sont dès à présent disponibles et peuvent être commandés à notre adresse (14 Boulevard Oscar Leroux – 35200 Rennes).

 

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ActuaLitéS [Octobre 2007]
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Jean-Pascal Dubost  a réuni d’anciens poèmes et plusieurs petites séquences amassées durant ces dernières années pour donner vie à Fatrassier qui sort chez Tarabuste.

«  Fatrassier  est un mot disparu ; il désignait celui qui aime le fatras (l’hétéroclite) ; on peut l’entendre ici comme une invention sémantique synonyme de recueil. »

On peut  même aller plus loin et admettre que celui qui se retrouve aux commandes du dit recueil, celui qui en assemble les différentes pièces, en l’occurrence Jean-Pascal Dubost,  peut lui aussi se prévaloir du  titre de fatrassier.

On le retrouve en plein chantier, aux prises avec les animaux (d’abord les corbeaux, les sangliers) qui s’invitent souvent dans ses textes, y poussant leurs cris ou leurs grognements, rôdant, gémissant, laissant planer leurs ombres à ras de terre. Un peu plus loin, on le retrouve à table, prêt pour des « mangeries » grandioses et raffinées, assis sur un banc entre un Rabelais aux anges  et un  Marcel Rouff servant le gourmet Dodin-Bouffant sur un plateau.  

L’ensemble est plus qu’alléchant. On s’y installe. On déguste. On en sort bien plus tard avec non seulement  « l’imagination gustative » en émoi mais avec également, rivée au palais, aux papilles, au ventre, l’envie de partager d’autres mets et d’autres mots  au plus vite… Et ça tombe plutôt bien puisque Jean-Pascal Dubost animera, début 2008, en cinq séances, un atelier de lecture / dégustation au centre culturel Le Triangle à Rennes (présentation complète sur http://letriangle.org).

Editions Tarabuste : Rue du Fort – 36170 Saint-Benoît-du-Sault

 

Des livres dans la ville – association qui regroupe éditeurs (Apogée, Le CRDP Bretagne, Césure, Folle Avoine, Dana, Wigwam) et amis du livre à Rennes – organise la dixième édition de sa manifestation annuelle « Un auteur dans la ville » du 18 au 20 octobre prochain. L’invité est François Maspero. Il interviendra à plusieurs reprises durant son séjour, tant devant les étudiants des Beaux-Arts qu’au milieu des élèves du lycée Victor et Hélène Basch.

Deux rencontres publiques sont prévues : l’une, lors d’un apéro dédicace au Café Librairie « La Cour des miracles » (18 rue de Penhoët) le samedi 20 à 11h30 et l’autre aux Champs Libres, même jour à 15h30. François Maspero : « témoin, toujours témoin ». Le débat, animé par Yves Prié et Yves Picard,  sera précédé de la projection du court-métrage que Chris Marker a consacré à Maspero.

« Tout en moi affirme que je suis né le 24 juillet 1944, à l’âge de douze ans et demi. En guise de sage-femme, je vois, puisque j’ai le privilège de me souvenir de ma venue au monde, le visage d’un agent de la Gestapo. Le cri de la naissance, celui qu’en cet instant j’ai refoulé, reste enfermé en moi » (François Maspero, citation extraite du n° 74 du « Matricule des anges »).

 

Notes d’hôtel. Le livre était attendu depuis longtemps. Le voici enfin. Si ces Notes d’hôtel ont été tenues par Louis-François Delisse entre 1991 et 2007, elles ne se cantonnent  pas vraiment aux évènements survenus entre ces deux dates butoirs, bien au contraire, puisque Delisse, donnant libre cours à sa mémoire, joue par « association d’images reçues » pour aller se promener dans un passé beaucoup plus lointain. On le suit souvent en Afrique, ou un jour en Espagne, un autre à Paris chez Guy Lévis Mano, un autre encore en compagnie de son cousin Jacky Dodin au hameau de Gibraltar, à proximité de Roubaix, là où il est né en 1931. Au final, ces 107 vignettes (précises, circonstanciées)  restituent les fragments éclatés de toute une vie. Une vie fébrile, riche de voyages, d’aventures et pleinement vécue.

« 72. Place du Pile, sur ce chemin qui de Roubaix, menait par Gibraltar à Tournai. Chaque année les roulottes de la famille Reinhaert s’installaient là, pour une semaine, mais non mendier, donner un spectacle ou voler dans les clapiers, les Reinhaert sont riches des droits de Django et de leur cirque américain qui avait traversé l’Atlantique avec le dernier cargo du plan Marshall. C’est pour remercier les habitants de ce quartier de basses maisons avec potagers, d’y avoir caché, toute la guerre 40, leur doyen Louis, et son violon dont il tirait tous les chants d’oiseau, et il me les enseignait alors, ces danses, tamborra, avec des rasqueados et des cheutes, tziganes, qui jettent leur joie, quand même, à l’immonde face de ce monde. »

Notes d’hôtel de Louis-François Delisse, éditions Apogée, collection « piqué d’étoiles ». En librairie début novembre.

 

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ActuaLitéS [Septembre 2007]
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« N’ayez pitié ! Je m’entends avec moi. »
Michel Valprémy

Michel Valprémy s’est endormi pour ne plus se réveiller, victime d’un arrêt cardiaque, le mardi 4 septembre au matin. La nouvelle, parvenue ici le lendemain, est d’autant plus brutale et difficile à admettre que l’avant-veille, nous échangions encore – et vivement – à propos de son dernier récit, Cache-cache vinaigre, publié dans la collection « piqué d’étoiles » chez Apogée et en librairie depuis à peine un mois.

 

De Valprémy nous avions non seulement pris plaisir à publier Miettes en sauce en 1993 (ensemble désormais en ligne sur le site Plexus-S) mais également bien d’autres textes tout au long de l’aventure « Foldaan », entre 1980 et 1987. Une belle et chaleureuse complicité qui aura duré près de trente ans et que nous ne pourrons désormais poursuivre que via la lecture. Mais nous avons de quoi. Michel a en effet beaucoup écrit, beaucoup publié. Ceux qui veulent le retrouver et le suivre de A à Z ont du pain sur la planche et un long travail de collectage en vue. Le jeu en vaut évidemment la peine puisqu’il s’agit de mettre (rien de moins) bout à bout tous les fragments d’une œuvre à multiples facettes. L’idéal, pour trouver le bon tempo et entrer dans le foisonnant et lumineux atelier Valprémy (où le roi Mot, adoubé ou malmené, rôde en permanence, le plus souvent dans tous ses états) est de se rendre illico du côté des éditions de l’Atelier de l’agneau. Celles-ci ont publié plusieurs de ses livres, notamment Tout le monde passe devant les vitrines, Cadastre du clair/obscur, Albumville et La Mamort (avec Christophe Manon). Une visite du côté des éditions du rewidiage (qui ont publié 7, impasse Gigogne et Clowns, Croque-morts) s’impose également.

 

« C’est toujours une hutte, une église de bambous, une chapelle étroite, pointue, damée, balayée, époussetée, sans autre vitrail qu’une toile d’araignée, avec trois coquillages venus de l’océan qu’on ne verra jamais, trois sébiles vernies des cailloux, du blé sacré, des hosties de papier et des boutons de nacre au Père, au Fils, au Saint-Esprit, avec un drap de lumières croisées où s’allonge parfois, nu, brillantiné, l’aîné très catholique d’un Crésus centre ville qui, près de me régaler de ses cochonneries, bénit, paupières closes, mon front, mon foie, mon entrecuisse, comme un curé goulu bénit, avant de l’engloutir, le steak à l’échalote du vendredi midi.

Michel Valprémy, Wigwams (Cadastre du clair/obscur, Atelier de l’agneau, 1999).

 

A lire : Miettes en sauce sur Plexus-S ainsi que l’hommage de Ronald Klapka sur remue.net.

 

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ActuaLitéS [Juillet / Août 2007]
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Les Cahiers de l’umbo sortent, en cet été 2007, un n° 9 d’une grande densité. De nombreux poètes au sommaire, parmi lesquels Pierre Peuchmaurd, Anne Marbrun, Guy Cabanel, Laurent Albarracin, Eric Ferrari, Jimmy Gladiator…

Moment fort malicieux durant quelques pages en compagnie de Louis-François Delisse qui évoque une soirée de septembre 1958 où il présenta, à Lille, trois films de Jean Rouch

En supplément à ce n°, paraît Les trèfles souterrains de Anne-Marie Beeckman (pour le texte) et Jean-Pierre Paraggio (pour les dessins)

« De quoi demain sera-t-il fait ? Il n’y a pas de carte blanche. J’endosse la dépouille du renard. Je retrousse mes crocs, je crois, dans la chair vive. Je crois couler mes pas dans l’herbe douce sous les ramures. Ce n’est pas jeu : la mort du renard pèse sur mes épaules ». A.M.B.

Cahiers de l’Umbo : chez Jean-Pierre Paraggio, 33 Avenue Jules ferry 74100 Annemasse.

 

Trémalo, revue née à deux pas de la chapelle du même nom, bâtie sur les hauts de Pont Aven et rendue célèbre par Le Christ jaune de Gauguin, fait également, dans sa deuxième livraison la part belle à Anne-Marie Beeckman. L’entretien qu’elle accorde ici permet de retrouver posément celle qui, sans concession, sait allier réflexion, création, imaginaire et émotion en se méfiant de la profusion.

Dans ce même n°, poèmes et textes de Marc Le Gros, Laurent Albarracin, Pierre Peuchmaurd, Jean-Luc Le Cleac’h, Paul Badin et dessins de Jacky Essirard. L’ensemble se termine par les critiques (le mot a ici tout son – ou ses – sens) d’Olivier Hobé qui tient (bien) les commandes de cette publication.

Trémalo : Le Haut bois 29930 Pont Aven. La revue se dote également d’un blog : http :www.tremalo.com/

 

Valérie Rouzeau Ce n’est pas le printemps (éd. TraumFabriK) est une suite de textes courts écrits par à partir de sept tableaux d’Edward Munch. Touches brèves, fragiles, notées dans l’ombre du peintre et voisinant parfois avec l’aphorisme.

« Il est seul et la nuit ne s’allume que pour lui rappeler cela, la barque vide, son œil si noir. »

« La femme brune ou rousse attend l’homme pour faire l’amour d’homme et femme mais lui sait trop bien que seul l’amour qui ne commence pas ne finit pas. »

Une belle réédition (mise en page aérée, format oblong, œuvres de Munch figurant en vignettes sur la couverture) en attendant la parution d’Apothicaria – ce sera le 68 ième Wigwam – en octobre prochain.

Chez le même éditeur, vient de paraître : Sur les quais de Jacques Josse (dessins de Georges Le Bayon).

TraumFabriK  / chez Francis Krembel 6 chemin du Merdreau – 49170 Behuard.

 

Wigwam sera présent – avec une vingtaine d’autres éditeurs aux « Poétiques » de Saumur (Jardin des plantes) les 8 et 9 septembre.

 

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ActuaLitéS [Juin 2007]
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Jean-Yves Reuzeau (Imiter la vie / Wigwam 8) publie une biographie de Janis Joplin en Folio / Gallimard. Loin des caricatures et des clichés qui entourent trop souvent l’évocation de celle qui est parvenue, à la fin des années soixante, à féminiser une scène rock longtemps tenue par les hommes, il retrace son itinéraire (du Texas natal à la fatale chambre d’hôtel de Santa Monica), le resituant dans l’époque (fin des années 60) tout en montrant ce qui reste, près de quatre décennies après sa mort par overdose, de très actuel dans l’oeuvre de la plus grande chanteuse de blues blanche des cinquante dernières années.

Reuzeau cerne au plus près le personnage époustouflant, la femme éprise de liberté, la voix unique, les prestations scéniques de haut vol et l’inimitable rire de celle qui est passée sur terre en coup de vent. Son escale ici-bas (1943-1970) n’aura en effet guère duré mais, et ce livre nous le rappelle, textes, musiques et voix restent étonnamment présents.

« La liberté est juste un autre mot pour dire qu’on a rien à perdre. » (Janis Joplin)

 

Jehan Van Langhenhoven, auteur, entre autres titres ces dernières années, Du Cochon (Java, 1995) ou Du chant de l’équipage ( Rafael de Surtis, 2001) nous offre cette fois Nais. Nais ! Tout ! Tout…, ensemble sous-titré « mémoires d’un gardien du musée » grâce auquel nous pénétrons une fois de plus dans cet univers particulier où dérision, humour, détournements, trouvailles et rêves échevelés se donnent sans limites.

« Le gardien de musée traverse la Galerie des glaces. Choisirait-il de soudain s’y regarder que sans plus de retard il y verrait un bel, très bel assassin en passe de le poignarder. Sa lame brûle. S’abat. Ecorchant au passage les angelots de stuc des colonnades. »

De l’auteur (discret ou tout au moins caché derrière ses mots et les situations inavouables où ceux-ci le mettent) voici ce que disait Yves Martin :

« Je connais Jehan Van Langhenhoven depuis de turbulentes années longues comme les cerceaux, les roues qui ne touchent jamais terre des aventuriers de l’Ouest et des chercheurs des vivants trésors à la fois colossalement champêtres, urbains du Père Lachaise. Je le connais, c’est inexact, en fait je le rencontre au hasard méticuleux des rues, plus rarement des signatures dans le brouhaha expressionniste des fumées, des vins de moussons, des étoiles guerroyantes des tequilas. » (Extrait de la préface du Chant des équipages)

Editions Rafael de Surtis : 7 rue Saint Michel – 81170 Cordes sur ciel.

 

Louis-François Delisse a recopié à Niamey, entre 1955 et 1960, 164 poésies amoureuses des Touaregs. Celles-ci figuraient sur les volumes du Père de Foucauld qui, comme le note malicieusement Delisse, venu pour convertir « les gens du voile » se trouva finalement converti à leur propre poésie, s’en imprégnant, la faisant connaître et révélant ainsi « l’un des plus hauts fleurons de la poésie orale universelle ».

« C’est à Niamey que je découvris dans la Bibliothèque de l’Institut français d’Afrique noire ces dizaines de milliers de vers notés par l’ermite du Hoggar. Je fus aidé à me rapprocher du vert et vif chant tamasheq par l’un d’eux, le tout jeune et premier lycéen de leur tribu, Zakara Ag Mouddour qui y frottait son français tout neuf. La version qu’on lira ici, la plus proche possible du mot à mot, me comblait, devenant ma plus belle école de poésie ».

Louis-François Delisse : Choix de poésies amoureuses des Touaregs (éditions Le Corridor Bleu, 185 rue Gaulthier de Rumilly – 80 000 Amiens)

 

Wigwam sera, comme l’an passé présent au marché de la poésie, place Saint Sulpice à Paris du 21 au 24 juin (Stand C11). Nous serons également fidèle au rendez-vous de Rochefort sur Loire les 30 juin et 1 ier juillet prochains.

 

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ActuaLitéS [Mai 2007]
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Hauts murs. L’exposition du peintre et sculpteur Marcel Dupertuis (auteur de Lieux et places, sixième titre de la collection « écrits de peintres ») se tient au musée de Vannes du 19 mai au 30 septembre 2007. L’exposition et le catalogue ont été réalisés avec la collaboration du musée de Lugano (Suisse) et du festival « L’Art dans les chapelles ». C’est l’occasion, presque inespérée, de voir enfin réunies les oeuvres récentes de Dupertuis.

« L’œuvre de Marcel Dupertuis ne peut être déconnectée de l’histoire. Les gisants de 1994 étaient extrêmement liés à la tragédie du Rwanda. Aujourd’hui, les figures appuyées sont directement inspirées d’une photographie de la rafle des travailleurs immigrés algériens du métro Concorde le 17 janvier 1961. Pour autant, il serait inexact et surtout réducteur, de limiter ces œuvres à un simple témoignage. Jamais illustrative, ni démonstrative, l’œuvre garde un secret. Elle s’inscrit d’abord dans une relation très personnelle au monde, et s’incarne singulièrement dans des figures irréductibles à la sociologie, la politique ou la psychanalyse. » (Olivier Delavallade, Ligne continue).

A propos de l’idée de mur (qu’il l’aborde de biais ou de face), voici ce qu’en dit Dupertuis lui-même :

« Ce n’est plus le mur qui te protège, mais celui qui t’empêche de fuir. Tu le longes quand tu effectues le pourtour de la prison, quand il divise deux pays. Le bonheur de la démolition du mur de Berlin, la honte du mur entre Israël et la Palestine, la honte des murs des grandes propriétés qui serpentent sur des kilomètres. Il y a les murs transparents des barbelés, des grilles électrifiées, les murs de mines… »

 

Passage des amers, suite de dessins à la mine de plomb de Georges Le Bayon accompagnée de textes du poète Yves Prié vient de paraître aux éditions Folle Avoine. Deux discrets réunis dans un ouvrage grand format qui navigue avec lenteur dans un perpétuel élan entre terre et mer. Mots et signes superbement accordés.

« Ferons-nous le compte des heures / passées à fixer l’horizon / Il y a trop de pierres / trop de vagues / nous nous étonnons de ce monde / suspendu à l’hésitation d’une falaise / Son existence est figée dans le vide / ou terre et mer s’ignorent. »

Un dernier mot pour dire la sobre et belle conception du livre. Rien ici n’a été laissé au hasard. Papier, typographie, caractère, mise en page et reproduction ont été judicieusement choisis, faisant de Passage des amers un livre d’art défiant pratiquement (à 50 €) toute concurrence.

Editions Folle Avoine : Le Housset – 35137 Bédée.

 

Piqué d’étoiles. Les trois livres qui ouvrent l’année 2007 pour la collection de littérature dirigée chez Apogée par Jacques Josse et François Rannou viennent de sortir. Il s’agit de L’Arbre de Combier, premier récit de Fatima Mana, de Passe Ouest, carnets de bord de Alain Jégou (28 années de navigation et de pêche entre l’île d’Yeu et l’archipel des Glénan) et de Figures inachevées avec vue sur la mer de Michaël Glück (que nous publierons l’an prochain en Wigwam).

A paraître, dans la même collection, courant juin : Au bout du bar (collectif rassemblant des textes de Claude Andrewsjeski, Yves Bergeret, Lionel Bourg, Michel Dugué, Gilles Ortlieb, Robert Piccamiglio, Jean-Claude Pirotte, Lambert Schlechter) et Cache-cache vinaigre, récit (farsa comica) de Michel Valprémy.

Ouvrages disponibles en librairies (diffusion PUF) ou auprès des éditions Apogée : 11 rue du noyer – 35000 Rennes.

 

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ActuaLitéS [Avril 2007]
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L’ACT MEM. Après 21 ans d’existence et 450 livres publiés, les éditions Comp’Act disparaissent mais pas leur travail. L’équipe animée par Henri Poncet repart et poursuivra ses activités au sein de L’ACT MEM où se retrouve l’ensemble du très riche fonds constitué durant les deux dernières décennies.

Parmi les premiers titres sortis ce printemps, signalons Rumeur du monde (poésie) de Annie Salager et Le Geste et la mémoire, ouvrage collectif (avec entre autres Denis Roche, Yves Bonnefoy, Antoine Emaz, Marc Blanchet, Paul Louis Rossi, Gilbert Lascaux) autour de l’œuvre peinte de Gérard Titus-Carmel.

Une nouvelle revue (qui remplace La Polygraphe) verra bientôt le jour.

Plus d’infos sur le site : http://www.lactmem.com/

 

Pierre Peuchmaurd publie Le Moineau par les cornes aux éditions Pierre Mainard. C’est le troisième volume de la série des « Fatigues », (les deux précédents A l’usage de Delphine et L’Immaculée Déception ayant respectivement vu le jour aux éditions L’Oie de Cravan et à L’Atelier de l’agneau en 1999 et 2002). Il est bon de savoir prendre son temps pour s’en aller flâner au gré de ces fragments saisis au fil du quotidien où aphorismes, pensées vives, éclisses et tacles rapides disent bien l’univers tour à tour heureux, inquiet ou sceptique d’un dilettante posté aux aguets.

« En été, le moi doute ».

« Les filles ramassent des coquillages, les garçons des silex. De cette différence naît le feu. »

« Cette nuit-là, je rangeais des livres jusqu’à l’épuisement. Le dernier que j’aie mis en place, à quatre heures du matin, était le roman de Christian Dotremont, La Pierre et l’oreiller. »

Editions Pierre Mainard : 14 place Saint Nicolas – 47600 Nérac.

 

Marc Le Gros a entrepris depuis quelques années une tétralogie des oiseaux de halage. On l’a ainsi vu suivre au plus près le corbeau, l’aigrette et le cormoran. Le voici sur le Passage du héron gris (éd. Double cloche). Il détecte « son grand corps effaré » près des berges, « sur le glacis des vases ».

« Cette allure impeccable de celui / Qui voit clair et qui marche / Aussi lent qu’un grand fauve / Sur les œufs des saisons / Quant au bec / C’est la baguette précise de Confucius / A table / Toute la saveur calculée du monde. »

Comme toujours, Marc Le Gros nous incite à voyager chaque fois que la lune « passe dans l’œil de l’oiseau ». Il réussit aussi à nous faire éprouver, très subtilement, au creux de son poème, la lumière d’une nuit qui « ne se referme pas tout à fait » et l’agitation de la mer perçue à travers «  le grand vide habité des bulots ».

Editions Double cloche : 10 Kergamet – 29800 Plouédern

 

 

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ActuaLitéS [Mars 2007]
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Antoine Emaz Caisse claire – poèmes 1990 – 1997 – vient de paraître en collection Points / Seuil. Cette anthologie établie par François-Marie Deyrolle réunit, outre les premiers livres (désormais épuisés), plusieurs poèmes ou recueils jusqu’alors uniquement publiés à tirages limités.

Ce livre nous permet d’entrer de plein pied dans l’univers d’Antoine Emaz, de retrouver, compactée, et révélée sur la distance, une poésie concise, sinuant entre le peu et la nécessité, avec allant, sans concession.

La postface de Jean-Patrice Courtois, précise, revenant sur l’unité de ton et la cohérence de l’œuvre, ouvre des chemins sûrs pour suivre, à voix basse, le poète « au ras du réel », « serré de près dedans / par ce qui n’a pas de nom ».

« En tête, bien sûr, le bruit des morts finit par se mêler à celui de la mer dans un ressac sans fin, léger, un bruit de fond. Il use. Résistent des îles de couleur terne, et dans la paume un peu de jaune et d’ocres. C’est ce qu’on appelle prendre du recul ».

 

Alain Roussel Le Récit d’Aliéna (éditions Lettres Vives) est un texte ample, devenant tour à tour cri de révolte puis rite sensuel, scandé (parfois même psalmodié) par une voix lancinante, une voix qui aime assurément se frotter aux éléments pour y puiser « des énergies secrètes ».

De livre en livre, Alain Roussel poursuit une quête empreinte de philosophie et de sagesse qui ne s’interdit jamais, bien au contraire, les grandes ivresses du partage et de la rencontre, seules capables de redonner force et relief à nos quotidiens. Aliéna est une de ces présences suscitées, magnifiées, en mesure de redonner « à la vie son intensité ».

« Aliéna, Aliéna, Aliéna, comme un exorcisme, en te nommant j’avance vers toi, avec pour boussole le parfum que tu exhales à travers la distance et que je ressens comme s’il venait du plus profond de la femme. »

Editions Lettres Vives : Campu Magnu – 20213 Castellare-di-Casinca.

 

La Lucarne des écrivains (115 rue de l’Ourcq – 75019 Paris / Métro : Crimée) accueillera, dans le cadre du Printemps des poètes, comme nous l’annoncions le mois dernier, les Editions Wigwam pour une rencontre-lecture le samedi 17 mars à 19 heures.

Présence de l’éditeur, de ses livres et de quatre des auteurs publiés (ou sur le point de l’être) dans la collection : Yves Bergeret, Laurent Grisel, Habib Tengour et Valérie Rouzeau. Tous liront des extraits de leurs textes. La soirée se terminera autour d’un pot de l’amitié.

Merci à toutes celles et à tous ceux qui pourront se joindre à nous ce soir-là.

 

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ActuaLitéS [Février 2007]
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Michel Valprémy Cédille au ciel - dont un bel extrait a récemment été mis en ligne sur le site
Plexus-s - est désormais disponible aux Editions des Vanneaux. Plaisir de renouer avec ce flux rapide, époustouflant – jusque dans ses chutes tragiques – qui permet à Valprémy de flirter cette fois avec le ciel, ses nuances, ses éraflures, ses éclairs, ses bleus en tous genres.

« J’écris bleu ablette, hameçon (cédille, cédille au bleu). / J’écris bleu manège, bleu pigeon, bleu fanion, bleu champion. Bleu (parbleu !) morveux, bleu d’entre-deux, d’entre-bleu. / J’écris bandeau, borgne, petite rouille. J’écris boussole et dynamo. »

Editions des Vanneaux, 64 rue de la Vallée de Crème – 60480 Montreuil-sur-Brèche.

 

Michaël Glück publie Deuxième suite de la terre sans nous aux Editions Jacques Brémond. A la force du poème (« nous allons chacun va / sur cette lisière / entre ciel et terre // chacun cherche les mots / qui seront effacés ») s’ajoute l’attrait d’un objet (format, papier, couverture avec croûte d’ardoise) en réelle harmonie avec ce qui s’écrit ici (et que le titre annonce d’entrée).

« Quelques Celan-silex / fragments d’Héraclite Empédocle / Eschyle ou Genèse / quelques silex parfois affleurent / et disparaîtront // lents travaux / livre de la matière. »

Un ensemble inédit de Michaël Glück (Peaux d’lapin) sortira l’an prochain aux Editions Wigwam.

 

Piqué d’étoiles est une collectionde récits publiée par les Editions Apogée. Coanimée par Jacques Josse et François Rannou, elle entend donner vie à des textes de création qui ont peu à voir avec le romanesque.

Les trois premiers titres de l’année 2007 seront en librairies (Diffusion PUF) dans la deuxième quinzaine du mois de mars. Il s’agit de Passe Ouest de Alain Jégou, L’Arbre de Combier, premier livre de Fatima Mana (préface de Jean-Pascal Dubost) et Figures inachevées avec vue sur la mer de Michaël Glück.

Editions Apogée, 11 rue du Noyer – 35000 Rennes

 

Wigwam, les livres, l’éditeur et quelques uns des auteurs (Yves Bergeret, Laurent Grisel, Habib Tengour et Valérie Rouzeau) seront présents le samedi 17 mars 2007 à la librairie « La Lucarne des écrivains » (115 rue de l’Ourcq – 75019 Paris) pour une soirée de présentation et de lectures. Le rendez-vous est fixé à 19 heures. Merci d’avance à tous ceux qui voudront bien nous accompagner en cette soirée de la St Patrick.

 

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ActuaLitéS [Janvier 2007]
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Robert Piccamiglio n’est pas seulement le poète que l’on sait (plusieurs livres publiés par les éditions Jacques Brémond) mais également un romancier efficace comme en témoigne le récent Des bastringues, des fanfares, qui sort ce mois-ci aux éditions du Rocher.

Tout commence (ou finit) un matin de printemps dans les années 60. Une église, un enterrement… Puis viennent s’y coller (avant de s’en séparer) les ombres et lumières d’une époque bien disparue mais à laquelle l’auteur de Chroniques des années d’usine (éd. Albin Michel, 1999) réussit, à coups de phrases brèves, créant ce tempo rapide qu’on lui connaît, à redonner vie durant 220 pages.

« Le partage, la fidélité, l’éternité et les rafistolages, on finit toujours par s’en détacher. Oubliés. Et les serments d’amour qu’on a craché sous les portes cochères et le reste. On devient manchots et cons, ça aussi c’est dans notre nature. On n’est pas fait pour les serments. »

 

Lionel Bourg poursuit, depuis près de trente ans – et autant de livres – une quête autobiographique qu’il ne cesse d’approfondir. L’Engendrement (éd. Quidam) est une nouvelle pièce à verser à ce très tourmenté (et néanmoins vivifiant) puzzle.

Pas de pathos ou de non-dits dans ce texte âpre et prenant mais une douleur contenue et acceptée, celle d’un homme désemparé face à la maladie, aux exhortations et aux phrases rageuses et cinglantes jetées par celle (sa mère, en fin de vie) qui lui a transmis beaucoup plus que la vie.

« A quoi ça sert de te tenir la main quand tu t’endors dans ton fauteuil ou de rouler sur la route de Chambles jusqu’à la nuit, de garer la voiture près d’un champ, griller une sèche sous les premières étoiles dont les reflets ondulent parmi les eaux du lac, d’écrire ces mots que tu ne liras pas ou de choisir la sente qui zigzague entre les pierres mutilées au-dessus de Grangent, à quoi ça sert, les oiseaux, les vrilles du chèvrefeuille et les châtaignes que l’on mangeait le soir, avec, par exception, qui les faisait glisser, sur la table une bouteille de vin blanc, à quoi ça sert…. »

 

Antoine Emaz dont nous venons de rééditer Sur la fin (Wigwam 60) est l’invité du n° 33 de la revue Nu(e). Un important dossier (avec essais, études, témoignages et inédits) lui est consacré. La densité et la richesse de l’ensemble permettent de cerner avec justesse la démarche de celui qui poursuit, avec « cette façon de peu » qui lui est propre (mots simples et courts, textes vifs, à la fois nerveux et remarquablement construits) une œuvre qui creuse toujours un peu plus. Pour aller au centre, dans le dur, à l’essentiel.

« Il faudrait que les mots ne fassent pas plus de bruit que les choses qu’on les entende à peine dire la table l’herbe le verre de vin comme une vaguelette une ride de son sur la vie silencieuse quasi rien ».

En mars, paraîtra aux éd. du Seuil, Poèmes 1990-1997, livre regroupant les premiers recueils d’Antoine Emaz

Revue Nu(e) : 29 Avenue Primerose – 06000 Nice

 

Le sofa est une revue « de réflexion et de création contemporaine ». Animée et mise en ligne par Sophie Dubois, il fait bon y flâner à son rythme. La poésie (mais pas seulement) y occupe une place de choix. Le n° 3 permet, par exemple, de circuler de Julien Blaine à Edith Azam ou à Tom Reisen en faisant un détour (hé oui !) par les éditions Wigwam et leurs à-côtés…

http://www.lesofa.org/

 

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ActuaLitéS [Décembre 2006]
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Olivier Bourdelier entre à pas rapides, avec La poésie est facile, dans la collection Le farfadet bleu (à L’idée bleue) en compagnie de la plasticienne Nelly Buret. Les poèmes brefs et percutants de l’auteur de Quitte (Wigwam 58) sont autant de portraits, anecdotes et détours conçus avec malice autour d’une vingtaine de peintres.

« Ces choses chaudes choses molles / qui nagent dans le bleu épais / c’est des soleils ou des bestioles ? / la paix dit Miro c’est la paix. »

Ailleurs, ce sont « les têtes de marbre dur de Chirico » qui apparaissent. Plus loin, on repère « des guenilles / des guignols » (nous sommes alors chez Rebeyrolle) ou bien « nos frères / sous les néons / (qui) vident un verre / et puis s’en vont  » (sortant soudain de chez Edward Hopper).

« Bram Van Velde dit / quand je vais vers la toile / je vais vers / le silence ». C’est vers lui aussi, mais en le striant à peine, avec retenue et jubilation, que nous mène Olivier Bourdelier.

 

Plexus-s est un tout nouveau (et très agréable) blog où l’on trouve textes inédits, critiques, infos, photos. Il a été conçu par Mathieu Brosseau (c’est lui – pour qui ne le saurait pas – qui pilote à distance notre site) et par Gabrielle Napoli. Se promener à leur côté (c’est ici : http://www.plexus-s.net/) s’avère stimulant. Au fil des jours, les découvertes se multiplient. Exactes au rendez-vous.

 

La lucarne des écrivains, (librairie située au 115 rue de l’Ourcq 75019 Paris) est ouverte depuis début septembre. De nombreux titres Wigwam y sont déposés. Ne pas hésiter à s’y rendre, en attendant une soirée qui aura lieu autour des éditions en fin d’hiver ou début du printemps 2007. Nous aurons l’occasion de repréciser l’info dans une prochaine lettre.

 

Comp’Act, la maison d’édition dirigée par Henry Poncet depuis deux décennies subit actuellement de plein fouet la fermeture par Léo Scheer de la Fédération de diffusion qui permettait à une quinzaine d’éditeurs d’être présents en librairies. On peut faire confiance à l’équipe éditoriale au travail « sur le marbre de l’atelier Curial » à Chambéry pour faire face et rebondir mais les aider de toute urgence à trouver un peu d’air – et d’argent – frais reste néanmoins nécessaire. Comment ? Tout simplement en commandant quelques uns de leurs livres. Le choix est vaste et l’offre de qualité. Pourquoi ne pas aller, par exemple, à la découverte de R. de Céline Minard ou des Environs du bouc de Sophie Loizeau en faisant un détour par Le + et le – de la gravité de Véronique Vassiliou ? On peut également faire halte du côté du récent n° de la revue La Polygraphe. (Pour plus d’infos, on peut visiter le site Comp’Act présent dans nos liens).

 

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ActuaLitéS [Novembre 2006]
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Pierre Peuchmaurd publie La Rousse, un long poème lu une première fois, avec plaisir, en 1991 dans la revue Delta station blanche de la nuit. On y croise, de Nantes à Port-Royal et de la rue Caulaincourt au parc de Luc-sur-Mer, au hasard des dimanches et des saisons pris dans « la boue des bruyères grises », la Rousse s’offrant tour à tour à l’océan, à la ville et aux bois. On y croise également l’ombre du jeune Reverdy dessinée sous un halo de réverbère. Plus loin, frémit celle de Blaise Pascal ou de Ravel. Et partout, d’un bord à l’autre du livre, celle de Gérard de Nerval à qui l’ensemble est dédié.

« Dimanche de froid dans la machine / Chine africaine et croisillons / Nerval à Port-Royal // On - / le lapin crie ébouillanté / (grimé d’azur le vrai squelette) on / remarque à gauche le pavillon des gardes / et le trou dans le ciel. »

La Rousse, Pierre Mainard, éditeur : 14 place Saint-Nicolas – 47600 Nérac.

 

Jean-Claude Leroy,à travers onze récits, onze voix arrachées au silence et à la violence du quotidien, condense en quelques pages autant d’itinéraires à vif. Chaque intervenant s’exprimant à la première personne du singulier se dit, se lâche, s’expose. Et la plupart du temps, cela fait mal. Que l’on passe du xénophobe délinquant à la gamine harcelée par son jeune voisin, tous ici se montrent tels qu’ils sont. On les aime ou on les hait. Il n’y a pas d’ambiguïté possible.

Endosser ainsi la peau des autres (ou plutôt se frotter à ce qu’il y a à l’intérieur) n’est pas sans risque mais Jean-Claude Leroy, par sa fulgurance, sa façon de décrire vite, tambour battant, ces onze morceaux d’existence conçus comme une Entrée en matière pour chacun des personnages, réussit à faire de son livre un appel à la fraternité.

Le 1 ier mai 1995, à Paris, en marge d’un « défilé » du Front National, parti d’extrême droite, deux jeunes skineads s’en prennent à un jeune maghrébin, le jette dans la Seine ; il est retrouvé mort peu après. Apprenant ce « fait divers » aux informations du soir, j’écris aussitôt Skin, un texte où j’essaie d’être dans la peau d’un jeune xénophobe en lui faisant dire ce qu’il est. Ce sera le point de départ de cet ensemble de récits. (J.C. Leroy)

Entrée en matière, Editions Cénomane : 33,39 rue des Ponts neufs – 72000 Le Mans

 

Marc Le Gros et Maya Mémin se sont associés pour signer ensemble Cormoran aux éditions Apogée. Au poème du premier, écrit en hommage à celui dont « le bec vise un point dans le soleil bas / Un petit cercle à peine large comme un trou d’aiguille », répondent les gravures (trouant, pleine page, l’espace et la lumière) de la seconde.

L’oblique comme / Une plante qui tourne dans la nuit comme / Un poème qui précipite / Et puis durcit soudain / Et s’éclaire finalement de toutes ses ombres / Rameutées.

Cormoran, Editions Apogée : 11 rue du Noyer – 35000 Rennes

 

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ActuaLitéS [Octobre 2006]
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Emmanuelle Le Cam se montre, dans L’hospitalité des anges (éd. La Part commune) discrète mais tranchante. On perçoit, dans ses poèmes courts, une harmonie toujours à réinventer et qui passe par les mots, le corps, la chambre, la réalité alentour. La ville où elle vit, tente et réussit ce fragile assemblage s’avère très présente.

« La ville laisse couler les bruits / le long de sa trachée. »

Le contraste entre l’intérieur (avec chats, thé, clavier, ombres chinoises sur les murs) où la paix s’avère possible et le dehors rugueux (solitude, froid glacial, « effrois de la nuit en chantier ») où rien ne semble l’être est subtilement nuancé. Une certaine gravité reste perceptible. Elle a souvent à voir avec le corps, ce « corps  paradoxal » qui oscillant entre plaisir et douleur s’avère par bien des côtés maître du jeu.

 

Pierre Tilman expose  Le mur des mots  à la galerie GM (8 rue du cheval vert 34 000 Montpellier) du 20 octobre au 25 novembre. Il lira ses textes le mercredi 15 novembre à 19h. Les statues n’ont pas de poils, autre ouvrage (publié aux éd. Unes) de l’auteur de  Ah s’il pouvait faire du soleil cette nuit  (Wigwam 51) seront également à l’honneur, durant la même période, grâce au regard d’Agnès Rosse. Tilman en profite pour nous donner de ses nouvelles. Il va bien. La preuve ?

Ce matin / je me sens / méchant hargneux / agressif borné / bref / en parfait accord / avec le / monde.

 

Décharge, la revue animée par Jacques Morin depuis 1981, consacre, dans son n° 131, un bel hommage à Sophie Masson (1964-2006). Intitulé La clandestine (titre de son premier recueil publié dans la collection Polder en 1992), ce dossier sobre et chaleureux associe témoignages et textes inédits pour dire combien – et pourquoi - cette voix (à la vie) fragile, minée par la maladie, a toujours voulu se tenir à l’écart.

« J’ai vécu toute ma vie sur le fil du rasoir. Funambule malgré moi, je suis comme ces oiseaux qu’un rien fait s’envoler, s’enfuir vers des contrées ourlées de douceur apaisante. Je ne me dérobe pas. J’aimerais, parfois. Mais non. Je ne me dérobe pas. Je fais face à la vie, aux soucis, aux tracas, je me dis pourquoi moi ? »

Extrait de Deux plumes (à paraître en coédition Le Chat qui tousse & L’idée bleue).

 

Denis Rigal publie Aval chez Gallimard. Plaisir de retrouver les textes doucement mouvementés mais parfois aussi (à la faveur d’une saute de vent ou d’humeur) très agités de ce solitaire qui devient encore un peu plus présent.

Naviguant, comme à l’accoutumée, « dans l’incertain et le tremblé », à l’écoute des éléments, des saisons, des hommes – parmi eux figure, bien sûr, celui qui « a tout vu tout connu / tout sentu (et même / le pénétrant parfum du chouime gomme à la fraise) » - Rigal, en familier de l’Estran (Wigwam 35) nous tend, un rien fataliste, de Brest où il vit, un ensemble dans lequel ironie et fausse naïveté ne se gênent pas pour donner des coups de coude aux soubresauts de la vie qui passe…

 « un oiseau vif parfois plonge / et saisit. // au demeurant, une cruauté lente / qui étonne. // l’homme occasionnel çà et là / crochète une hideur comestible, // ne sait plus rien de lui-même. // ici c’est dieu ou rien. // Rien. »

 

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ActuaLitéS [Septembre 2006]
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Matthieu Messagier qui fut, avec Le soliflore désordonné, en novembre 1991, le premier auteur publié par les éditions Wigwam, vient de sortir Siège de la tirelire blanche à L’arachnoïde, jeune éditeur qui se place avec bonheur  sous le signe du Soleil Noir, la célèbre maison de François Di Dio, à laquelle Messagier participa dès 1971 au sein du Manifeste Electrique aux paupières de jupes.
Pour suivre au mieux l’itinéraire de celui qui vit désormais au Pays de Trêlles, quelque part dans le Doubs, le mieux est sans aucun doute de se plonger dans L’arpent du poème dépasse l’année-lumière, essai que lui a consacré Renaud Ego chez Jean-Michel Place en 2002.
Epuisé depuis longtemps, Le Soliflore désordonné est, quant à lui, repris dans Les Chants Tenses (Flammarion, 1996).

 

Emmanuel Malherbet dédie ses Brocantes (Ed. L’Arbre) « aux vis, aux écrous, aux ficelles, aux boîtes, aux boîtes dans les boîtes, à tout le saint-frusquin que l’existence entasse ». S’emparant de tous ces rebuts, outils, ustensiles récupérés au fil du temps, il les rafistole à sa façon, autant dire au mieux, leur demandant simplement de redonner, via le poème, des étincelles de vie à tous ces arpents de mémoire qui perdurent sous la rouille ou le papier passé.

« La moto sans roues / elle sert / à mettre / dessus / les cageots et les boîtes // ça fait longtemps les roues / qu’elles sont / parties – pour une remorque. »

 

Claude Held a séjourné à La Boderie, dans l’Orne, du 26 février au 18 avril 2005, invité là-bas dans le cadre d’une résidence d’écrivain. Il en revient avec Lieux d’Orne et d’ailleurs (Propos 2 éditions), un ensemble de poèmes où l’emprise (le hasard, l’actualité) du quotidien est étroitement associée à la singularité des lieux fréquentés. Ses morceaux d’Orne se mêlent aux bruits du monde. A Ste Opportune, « une herbe soutient / le regard » du marcheur Held. A Neuilly-sur-Eure, là où « une boîte licencie », tandis que de l’autre côté de l’Atlantique « le faucon Wolfowitz arrive à la tête / de la Banque Mondiale », on a encore un peu de mal (mais de moins en moins) à voir ce qui relie les deux évènements. Ailleurs, là où ce flâneur qui aime prendre son temps sait tendre l’oreille et poser les yeux, « des champs ont été labourés / un arbre est tout ce qui reste // d’où la tentation / de recomposer la vie / plus loin, un moment / à pic »

 

Michel Valprémy nous offre une fois de plus l’un de ces textes au flux rapide et rageur dont il a le secret. Ses Manips (éd. Ikko, 82 rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris) sont vives et raffinées. Il les exécute en un clin d’œil. Ne demande rien au lecteur. Celui-ci le suit, respiration haletante, de page en page, repérant ça et là, entre perdrix égarées et rideaux soufflés du dehors, une multitude de présences fugitives. Elles appartiennent toutes au monde familier d’un poète qui, seul aux manettes, travaille sans relâche à les faire vivre avec le plus d’intensité possible.

« Tordre les draps d’avril, le cou des papes, des juges au jardin de peinture, garrotter maîtres et képis, notaires, gonzes à goussets, à bretelles, à mornifles. Je suis putois puant, vrai ! l’écorcheur, faux ! le boucher du jeudi. Je suis le pauvre du moins pauvre, le serf du riche à la corniche, à l’écusson. Je vends mes choux à moi, mes perles de cimetière, mouchoirs, osselets très-vrais, colliers, bracelets de fleurs – M’sieur, c’est l’amour, c’est la rose.

 

Des livres dans la ville est le nom d’une association qui regroupe, sur Rennes, plusieurs éditeurs, lecteurs et auteurs désireux de donner plus de place à la littérature « dans la ville ». Wigwam y est partie prenante depuis le début de l’aventure, en 1993.

Chaque automne, à l’occasion de « Lire en fête », un écrivain est invité à venir s’exprimer, lors de rencontres programmées d’abord en milieu scolaire puis avec le public. La neuvième édition aura lieu, comme toujours, aux mêmes dates que la manifestation nationale, c'est-à-dire les 14 et 15 octobre 2006. L’an passé, François Bon était des nôtres. Cette fois, ce sera au tour de Pierre Bergounioux de venir nous parler de son œuvre, notamment de son Carnet de notes(1980 - 1990) récemment paru aux éditions Verdier. La rencontre (entrée libre) est prévue à la Maison Internationale de Rennes, le dimanche 15 octobre après-midi.

 

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ActuaLitéS [Août 2006]
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Antoine Emaz De l’air (éd. Le Dé bleu / l’idée bleue) est un ensemble de poèmes brefs, tendus, soustraits à la fatigue et à l’effilochement des jours. Partant d’un ordinaire de lente érosion, d’une avancée presque imperceptible mais néanmoins vitale, journalière, répétée, Emaz creuse et isole (du soir, de la routine, de la langueur) des notes simples et précises. Il le fait en reprenant régulièrement son souffle, en aspirant page après page assez d’air pour poursuivre son périple « dans les méandres du temps » …

Le livre, articulé autour de cinq séquences, questionne, vrille, force la pensée à extraire – et à assembler - un minimum d’éléments par jour. De façon, quelque soit « l’usure du réseau », à garder « une sous-tension chronique / face au mur monde ».

Ce qui frappe ici, comme dans les autres livres, c’est l’énergie ramassée, l’élan nerveux et efficace qui traverse De l’air d’un bout à l’autre. Pas de panne chez Antoine Emaz, pas de courant qui ne passearait pas pour cause de fatigue (pourtant si présente) ou de corps mal en point.

« A force on sait faire avec l’usure

comme on joue la montre. »

Sans illusion mais avec la même abnégation, la même volonté de rendre « la vie plus vaste » pour continuer à y habiter.

 

Slaheddine Haddad Arpentant Ghar El Melh, (« village de pêcheurs alangui, comme oublié du reste du monde avec ses anciens forts turcs », note Jean-Christophe Belleveaux en 4 ième de couverture de La retraite du sel) Slaheddine Haddad n’a de cesse d’interroger les lieux. Il le fait en remontant l’horloge d’un temps (le sien, qui grince) et en s’assurant que ces aiguilles-là n’oublient pas de pointer leur rouille sur la réalité.

« Ici et là on confond si bien passé et réalité. En des moments outrés les lieux de culte décampent en définitive par les murs dans un laisser-aller sans origine. L’embrun les érode chaque jour davantage »

 La retraite du sel (Editions Sahar) s’avère bien plus qu’une flânerie intemporelle au hasard des villes (en particulier Tunis où il réside), des rues, des quartiers, des cafés. L’auteur, qui aime « absorber le regard des autres », en quête d’un sentiment d’apaisement qui effectivement affleure, s’y livre avec pudeur mais sans taire ses doutes, ses douleurs, sa peur aussi de sombrer trop vite dans une nostalgie qui le pousserait à revenir en arrière « sans alibi ».

 

James Sacré Belle moisson James Sacré cet été. Trois livres ont vu le jour en l’espace de quelques mois : Trois anciens poèmes mis ensemble pour lui redire je t’aime (Cadex éditions), Aneries pour mal braire (éd.Tarabuste) et Broussailles de prose et de vers(où se trouve pris le mot paysage) (éd. Obsidiane).

Le Matricule des anges lui offre par ailleurs la une de son n° 75 (juillet / Août) avec un dossier très précieux pour suivre l’œuvre et le parcours (d’une l’enfance à la ferme à la chaire d’une université américaine) d’un poète qui cherche toujours à créer les conditions d’une rencontre possible (et parfois même fictive) avec l’autre.

« Je me souviens avoir dit dans les livres que j’aime bien le lecteur, n’importe quel lecteur, mais ailleurs je dis aussi que je m’en fous du lecteur. Je suis mouvementé par les rencontres que je fais, j’en suis inquiet, sollicité, mouvementé… » (entretien avec Thierry Guichard).

 

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ActuaLitéS [Mai / Juin 2006]
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Françoise Ascal Ses journaux Cendres vives (1980-1988) et Le Carré du ciel (1988-1996) sont réédités en un seul volume chez Apogée. Simultanément paraît, chez le même éditeur, Issues, un recueil d’une quinzaine de textes (récits, nouvelles, poèmes en prose) mettant en scène des itinéraires souvent brefs et ordinaires.

« Elle vient d’un pays sans nom. Ses ancêtres sont nés sur ce plateau qu’aucun guide ne mentionne, rugueux autant que secret, appuyé aux proches massifs de grès roses.
Là-haut, le vent se déchire aux ajoncs, tournoie autour d’une poignée de vieilles fermes s’acharnant à survivre. Quelques bouleaux se dressent dans les creux propices et l’on peut être sûr qu’à leur pied, l’eau noire d’un étang réfléchit leur blancheur écorchée. »

Pour suivre plus encore Françoise Ascal, entre mémoire, paysages et autobiographie, on peut se plonger dans le n° 56 de la superbe revue Travers (véritable livre-objet conçu par Philippe Marchal, 10 rue des jardins – 70220 Fougerolles) où elle arpente, en compagnie du peintre Philippe Aubry, l’étrange et fascinant plateau des Mille étangs, situé en Haute-Saône.

 

Laurent Grisel avait publié l’an passé Chat! , rencontre écrite (et décrite) en l’honneur d’un félin facétieux joyeusement portraituré par le dessinateur Benoît Jacques. Tous deux récidivent aujourd’hui (c’est un réel plaisir de leur emboîter le pas) avec le Bestiaire corse, un ensemble de cinq poèmes écrits sur l’île en 1995 qu’accompagnent cinq illustrations réalisées dans les mêmes parages en juillet 2005.
L’un et l’autre virevoltent du papillon à l’âne (« ami / pourquoi as-tu tellement de mal / à braire ? ») en n’omettant pas de questionner la curiosité (au ras du sol) des sangliers ou la chaude paresse (à flanc de pierre) des lézards.
Les deux livrets sont disponibles auprès de Benoît Jacques Books, 32 rue Raymond Frot – 77690 Montigny-sur-Loing.

 

Sophie Masson nous a quittés en tout début mars. D’elle, nous avions aimé publier L’Intime, ensemble de poèmes brefs à travers lesquels elle disait déjà, à demi mots et avec pudeur, sa fragilité à vivre.
Son histoire, suite de textes ciselés, portés, écrits ces derniers mois, sort aux éditions Le chat qui tousse (Le Déharais – 44130 Bouvron)

« Il feint l’indifférence. S’abstient de commentaires, de notes bleues réservées à la mémoire des brumes de sa vie de saltimbanque. Il jongle avec les mots pour camoufler son double. N’ose parler qu’à son ombre pour louer la lumière de ses plus belles amours tendues vers l’immuable. »

 

Wigwam fréquente peu salons et fêtes du livre. La plupart du temps, le coût de location des espaces réservés aux éditeurs s’avère trop élevée pour notre budget. Ainsi, pas de présence cette année encore au salon « Etonnants voyageurs » à  Saint-Malo. Ce voyage-là, même distant d’à peine 50 kilomètres, nous coûterait la peau des fesses. Par contre, les Editions seront bien au marché de la poésie, place Saint Sulpice à Paris, du 15 au 18 juin. Stand partagé avec d’autres éditeurs rennais : Folle Avoine, Apogée et Dana notamment.

Rendez-vous également le premier week-end de juillet au marché de la poésie de Rochefort sur Loire où sont d’ores et déjà programmées des lectures de James Sacré et de Robert Piccamiglio.

Les trois premiers titres de l’année 2006 (ceux de Habib Tengour, de Antoine Emaz et de Louis-François Delisse) seront bien évidemment présents sur nos tables lors de ces deux escales estivales…

 

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ActuaLitéS [Avril 2006]
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Habib Tengour L’Arc et la cicatrice (réédité par les Editions de La Différence, dans une version légèrement remaniée) fut le premier recueil d’Habib Tengour, publié à Alger en 1983.

« La ville, alors, faisait encore de l’effet mais l’on se doutait bien, du moins quelques uns, que cela ne durerait pas. (…) Il y avait de l’outrance dans les bars, de vrais bars avec une variété de kémias, elles maintenaient plus ou moins droit (roide) le buveur au comptoir. »

Il suffit de le suivre dans Café marine, l’une des sept sections du livre, et de revenir avec lui, via l’échange constant qui se crée au fil des pages, vingt ans en arrière, pour s’en convaincre… Ici, Ulysse lui-même, fraîchement débarqué à Ithaque, s’évertue à distiller « l’amertume des jours » à coups de courtes rasades.

« Ulysse était parti pour tester l’Absence et après avoir tué ses compagnons, il échouait dans un terrain vague.
Des chèvres fouillaient le dépôt d’ordure.

Le berger qui vit le vagabond par terre lui offrit une cigarette et mit son transistor

à brailler les nouvelles du monde… »

  

Alain Roussel s’immisce entre mémoire et quotidien avec ce regard en embuscade qu’on lui connaît et qui lui permet de deviner – ou d’imaginer – des vies à l’œuvre derrière de simples esquisses, visions furtives, volées au hasard d’un rideau entrouvert ou d’une porte fermée avec lenteur…

« Je me souviens d’un soir d’été où une femme voilée, seule dans sa chambre et se croyant à l’abri de toute indiscrétion, se déshabilla soudain, rapidement, se révélant dans toute sa nudité. C’était comme si elle était passée subitement, sans la moindre aurore, de la nuit la plus obscure au jour le plus clair, et cette lumière était insoutenable. Témoin d’un moment d’absolu auquel je n’étais pas convié, mystère violé en quelque sorte, j’avais aussitôt détourné les yeux vers les étoiles. »

Tout au long du texte, (« La voix de personne » – éditions Lettres vives – est une prose d’une trentaine de pages) d’hôtels en « lieux passants », du sud au nord, de promenades dans la ville d’Arles en flânerie sur un « chemin qui mène à l’Ile Callot », cette curiosité attentive qui sert de déclic à l’écriture ne se dément pas. C’est elle qui ouvre sur l’imaginaire. C’est elle qui redonne voix à celui qui croit l’avoir perdue.

 

Claude Beausoleil « joue, dans Regarde, tu vois (Editions Le Castor Astral) ce rôle inédit : accoucheur, gratteur de palimpseste, débusqueur d’identité » note avec justesse Dominique Noguez dans sa préface. On peut y ajouter une force, une vitesse, une vitalité peu commune. Les poèmes du québécois Beausoleil s’offrent comme toujours tout en énergie communicative.
Si la première partie du recueil s’avère dans l’ensemble assez posée, (l’auteur axant sa recherche sur la langue et ses territoires) le deuxième volet, par contre, s’ouvre, claque et nous emmène à vive allure, avec L’origine de la route, sur les traces de Kerouac.

« Jack nomade
tu reprends le fil des mots des lettres s’esquivent tu les redresses ta fatigue ultime au bout du continent ce qui l’a nourrie race rouge aux accents métissés orages que les anges dans ton cœur ont portés églises boiseries dorées seuls théâtres d’où tu peux t’envoler entre les airs de blues et les chauds soleils de fin d’été. »

 

 Daniel Biga Des Oiseaux mohicans (1966) à Dialogues, Discours & Cie (Tarabuste, 2005), 40 ans de poésie – et presque autant de livres – jalonnent l’itinéraire de cet écrivain libre de déjouer, de rompre et de renouveler les formes littéraires quand bon lui semble. Au bout du compte, pas de tics, de sclérose, de routine, de répétitions mais un bel et grand appétit de vivre en harmonie avec lui-même et les autres.

« La poévie de Daniel Biga » est retracée, annotée, commentée dans un ensemble de textes (témoignages, essais, entretiens, inédits) réunis par Christian Bulting pour les Editions Gros Textes (Fontfourane – 05380 Châteauroux-les-Alpes).

S’y retrouvent peintres et poètes embarqués dans un cahier de 130 pages de format oblong. Ainsi Pierre Tilman, Franck Venaille, Ben Vautier, Ernest Pignon-Ernest, Bernard Bretonnière, Jean-Pascal Dubost, Guy Bellay, Valérie Rouzeau, Claude Viallat, Antoine Emaz et bien d’autres…

 

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ActuaLitéS [mars 2006]
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Michel Dugué nous offre une parole de grande retenue. Une fois de plus, son attention au paysage s’y révèle fertile. Lui qui n’avait pas publié de poèmes depuis Le Jour contemporain (Folle Avoine, 1999), vient, discret mais précis, nous dire combien Les Alentours (également chez Folle Avoine) recèlent de bruissements infimes. Reste à les percevoir... Et suivre Dugué au fil de ses longues marches en bordure d’océan est sans nul doute l’option la plus sûre pour y parvenir. On met nos pas dans les siens. Rien ne lui échappe. Il s’avère constamment à l’écoute, patient et enclin à la réflexion. Ici, il s’arrête. Observe « un morceau de vitrail. Mesure le temps qu’il faut pour que la lumière s’y réfléchisse ». Ailleurs, plus tard, passé l’averse, la pénombre, on retrouve à nouveau cette lumière, très présente chez lui. Cette fois, elle « se retend

 

comme si des mains agiles

avaient recousu les bords,

ravivé l’air et

le bleu des ardoises. »

 

Cette voix, apparemment simple et posée, est en réalité teintée de cent nuances. La capter demande d’aller la rejoindre là où elle vibre, c’est à dire dans la fragilité et le secret des lieux que cet auteur arpente, sans relâche.

 

James Sacré est l’invité du n° 10 de la revue Amastra-N-Gallar animée, en Espagne, par Emilio Arauxo. Etudes, portraits et rencontres s’y côtoient. On y retrouve, entre autres, des notes, lectures et réflexions signées Antoine Emaz, Jean-Claude Pinson, Paol Keineg, Lorand Gaspar ou Slaheddine Haddad, tous très proches de celui qui dés la parution de Cœur élégie rouge (Le Seuil, 1972 puis éd. André Dimanche, 2001) s’imposa par une écriture efficace jusque dans ses moindres hésitations.

«  Vouloir dire quelque chose de vécu qui bascule dans l’expérience de l’écriture ».

C’est bien ainsi, qu’on le lit à nouveau, au fil d’un très beau texte inédit : Un âne entre un appareil photo et l’océan, à Costa da Morte.

Amastra-N-Gallar, Apdo. correos 97 – 36500 Lalin (Pontevedra)

 

François Rannou Un soir, il arpente une rue déserte sous la pluie. Entrouvre une porte. Entre à pas feutré dans une boutique encombrée où l’on s’oblige à parler à voix basse de peur de déranger les milliers de livres qui s’y trouvent. Parmi eux somnole, il ne le sait pas encore, celui qui va bientôt devenir essentiel pour lui. Ce soir-là, la rencontre avec un texte et son auteur (André du Bouchet) a bien eu lieu mais le livre est malencontreusement resté sur place…

La suite, l’histoire d’une quête, d’un cheminement et d’une initiation, François Rannou nous la dévoile dans « La Librairie » (éd. Apogée, avec dessins et gravures de Thierry Le Saëc).

« Je sais où mon livre tient son rang serré mais je retarde le moment de se retrouver. »

 

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ActuaLitéS [2005]
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Paol Keineg  publie Là, et pas là aux éditions « Le Temps qu'il fait ». On y retrouve, entre autres séquences, les proses brèves et incisives qui donnèrent Tohu , treizième titre de la collection Wigwam, paru en 1994 et depuis longtemps épuisé.

« A cinquante ans, dans une langue, dans une autre, je vais bien, je vais très bien. Je ne m'habite plus. Assujetti, futile, à pousser du pied les ruines. Que dites-vous à ceux qui prennent la tête du troupeau ? Faites la lumière. Et à ceux qui ferment la marche et s'accordent chute, rechute, et divines pensées ?

 

Alain Jégou , juste avant de mettre pied à terre (il était jusqu'à peu marin-pêcheur à Lorient et doublait le phare de Pen Men chaque jour avant l'aube) a rassemblé ses poèmes de bord et d'ailleurs, de cris et de colère, de tangage et d'abordage, tous bien ébouriffés d'écume, formant vrai « cocktail barbare » et iodé, dans Qui contrôle la situation ? (Editions La Digitale.)

«  Je veux parler d'un certain jour de mai 2003 où le chalutier Ortzadar , immatriculé à Bilbao sous le n° BI 4223, nous a heurtés par le travers bâbord avant, manquant nous faire chavirer et sombrer corps et biens, vers 9 heures du matin, alors que nous étions en pêche par 47°39' 457'' Nord et 003°324' 782'' Ouest et qu'il y avait 4 à 5 milles de visibilité. »

 

Alice Massénat a publié plusieurs plaquettes, toutes à tirages limités. Il manquait un livre, un ensemble plus dense pour donner à découvrir, plus longuement, cette voix singulière et forte. Le Catafalque aux miroirs, qui paraît aux Editions Apogée, vient à point nommé combler ce vide. L'écriture est exigeante. Ce chant-là est posé pour tenir. Avec du souffle, des échardes. Des caresses, des coups de griffe. Le tout porté par les éclats d'un lexique ouvert à tous les vents.

«  Demain, je m'en vais
en fadasse d'alcôve à perpète
escamoter, trancher le lard d'un siècle le nom
exigu je le sais bien
et prise dans notre tourmente à nous
demain mes mains grifferont leurs racailles d'une heure
avec sa peau, son rire, SES voix
bouchée double à l'octroi
la petite porte se régénérant d'elle-même
s'exclamant la langue éperdue
non plus fadaises, non plus becs-de-cane
hideux
mais l'invective à portée de main »

 

Louis François Delisse « est un poète dont il me tarde de lire l'œuvre imprimée, en particulier celle que GLM se propose d'éditer. Elle nous consolera de tant d'êtres et de choses en ces temps loqueteux ». Ces propos sont de René Char. Ils ont près de 50 ans. Depuis, GLM a en effet publié Louis François Delisse ( Soleil total en 1960 et Le vœu de la rose en 1961) mais force est de constater que l'auteur est toujours aussi peu connu.
Né en 1931 à la frontière belge, il a longtemps vécu en Afrique, notamment au Niger où il restera de 1954 à 1975 (rapatrié par la dictature militaire soutenue par nos gouvernants). Là-bas, L.F. Delisse a beaucoup écrit, en silence. Ce sont ces textes, présentés par Charles-Mézence Briseul et François Leperlier, regroupés dans Aile, elle , qui paraissent aujourd'hui dans un beau volume de 200 pages aux éditions Le Corridor bleu (163 rue de Trescault 59231 Gouzeaucourt). On y retrouve « cette profonde fraîcheur mi-ombre, mi-lumière » dont parlait naguère Char :

l'aube m'a touché
comme je quittai ma retraite et montai
aux collines écrêtées du jour  

me voici
de la mousse sur les dents sortant du
limon la main sur le rire du jour 

je monte
au-devant de l'ami chevrotant parmi

les ibis et les agneaux que le soleil
baigne de mon sang.

Courant 2006, Wigwam publiera De fleur et de corde, un inédit écrit par Delisse à Niamey en 1970.

 

Roger Lahu sait s'y prendre pour ferrer l'enfance au creux de la mémoire. Il le fait avec dextérité, par petites touches, poèmes brefs, en se méfiant des remous et des pièges capables de l'envoyer boire de la nostalgie sous l'eau. Avec Les Anguilles (éd. Le dé bleu) il avance à sa façon, ("point trop pas couper dis je inciser") en crabe, de travers, notant ce qu'il voit, sent, entend sourdre en lui ou au dehors. C'est ainsi qu'il arpente les berges, s'y arrête, clope, mouline... et soutire bien des secrets aux flaques.

corps-lui
en sait peut être plus long
qu'il ne veut l'admettre :

l'assouplir ?
lui faire le coup du dépiautage ?
l'incision ? la ficelle autour du cou ?
la pendaison à la poutre de l'auvent ?
et chlac ! la chaussette de peau !
la denudaison!
(sa goule clapperait encore

un oxygène
inutile ?)